vendredi 18 janvier 2008

On est proche de l'explosion (tuer le web)


Combien les multinationales des médias seraient-elles prêtes à payer pour remonter dans le temps et tuer le web, ou plutôt son inventeur, Tim Berners Lee ?

Internet est-il inadapté au monde actuel ? Ou est-ce notre société qui n’est pas adaptée au web ? Une chose est sûre : y a un problème. Internet est virtuel. Il se joue du temps et de l’espace, alors que notre arsenal légal et juridique est lourd, peu réactif et donc peu performant lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes d’un genre nouveau. Les lois évoluent, mais moins vite que les moyens de les contourner. Et surtout, elles restent essentiellement nationales.

La course entre pirates et anti-pirates est, et sera toujours à l’avantage des pirates (voir article : Informatique/Piratage et protections). Actuellement aucune protection ne tient bien longtemps. Le nouveau firmware de l’Iphone a été « déprotégé » avant sa sortie officielle. C’est bien la preuve que l’argent ne fait rien à l’affaire, quand on n’est pas capable, on n’est pas capable, point barre. Croire que l’on peut créer un système de protection efficace découle de la même inconscience que de penser que le mouvement perpétuel existe.

Que penser du label « HD Ready » apposé sur les nouveaux téléviseurs lorsque l’on sait que l’obtention de cette estampille est soumise au fait que l’appareil doit « disposer d’une entrée numérique avec protection anti-copie » ?

S’est-on posé sérieusement la question de savoir si la kyrielle d’avertissements en tous genres que doivent supporter les acheteurs d’un film DVD avant de le visionner ne les dissuade pas d’acheter encore des DVD ?

S’est-on posé sérieusement la question de savoir à quoi rime d’infliger au spectateur quinze à vingt minutes de publicité avant le visionnement d’un film en salle. A quoi sert cette inutile séance de torture puisque de toute manière les prix des places augmentent sans cesse ?

S’est-on posé sérieusement la question de savoir si, lorsque la loi interdisant certains protocoles sur internet sera acceptée, il ne serait pas possible de créer et d’utiliser d’autres protocoles, d’autres techniques, d’autres subtilités ?

S’est-on posé sérieusement la question de savoir s’il n’était pas possible d’affecter une partie de la TVA perçue sur la musique et les films pour compenser le prétendu manque à gagner des artistes ?

S’est-on posé sérieusement la question de savoir si l’on veut que des réseaux privés, comme il en existe déjà, se multiplient de manière souterraine ?

S’est-on posé une seule fois sérieusement la question fondamentale de la valeur d’une œuvre musicale, du point de vue du client ?

La capacité d’écoute d’un être humain n’a pas beaucoup augmenté au cours des dernières décennies. Or le nombre d’artistes, de maisons d’édition et donc d’œuvres produites augmente dans des proportions incomparablement plus grandes. Comment, dans ces conditions, prétendre vendre au même prix un produit qui ne peut être utilisé de la même manière ?

Pour être plus clair, il y a vingt ans, un jeune achetait trois ou quatre CD par an, en moyenne. Il les écoutait souvent, il les rentabilisait. L’assortiment disponible était bien moindre qu’à l’heure actuelle.

De nos jours, un jeune écoute un très grand nombre d’équivalent-CD. La réserve disponible est immense en termes de diversité. Mais il ne peut pas les écouter tous aussi longtemps qu’il le faisait il y a vingt ans. La valeur intrinsèque de chaque CD devrait donc être plus faible, proportionnelle au temps d’écoute. Mais le prix n’a pratiquement pas changé.

En encore plus clair, on voudrait que la même masse de clients, avec la même capacité d’audition, enrichisse une bien plus grande masse d’artistes et de maisons de disques.

Dans une ville, on ne peut pas augmenter indéfiniment le nombre de bistrots, sans changer le nombre d’habitants, en prétendant que chaque nouveau bistrot gagne autant que les bistrots existants.

Vaut-il mieux gâcher la vie des honnêtes citoyens avec des mesures de protection contraignantes et prendre le risque qu’en désespoir de cause, ils deviennent tous un jour des pirates, ou abandonner ces pratiques dont l’inefficacité concurrence de près les injonctions du pape pour que cessent les guerres dans le monde ? La question vaut la peine d’être posée. Lorsque tous les clients potentiels du marché des médias seront considérés comme des sorcières et brûlés sur la place publique, qui restera-t-il pour acheter des CD ou des DVD ?

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