samedi 21 juillet 2007

Jauge pas y croire !

Tout le monde sait ce qu’est une jauge. Il s’agit d’un instrument de mesure qui reflète visuellement la variation ou l’état d’une grandeur physique. Dans une voiture, la jauge à essence est souvent constituée d’une aiguille sur un cadran gradué ; elle permet de savoir combien d’essence il reste dans le réservoir.

L’informatique s’est accaparée des jauges à partir du moment où l’utilisateur s’est intéressé à savoir combien de temps il devait encore attendre avant la fin d’une opération, ou encore quel pourcentage de mémoire ou de place-disque était encore disponible.

L’informatique étant devenue une pro dans l’art des effets pervers, elle nous propose toute une panoplie de jauges, plus inutiles et aberrantes les unes que les autres. Il est d’ailleurs étonnant que la Wikipédia n’ait pas encore publié l’histoire des jauges informatiques, tant le sujet est intéressant.

Nous nous limiterons ici aux jauges informatiques et, en particulier, à celles qui indique la portion de travail effectué.

Au début, la jauge affichait un pourcentage superposé à une barre de couleur grandissant de gauche à droite dans un banal rectangle. Au bout de quelques années, un développeur de génie en est arrivé à la conclusion que même un enfant n’a pas besoin de l’indication du pourcentage de complétion. La moitié de la jauge correspond à la moitié de ce qu’on attend et quand elle arrive au bout on est content.

On laissa donc la jauge dans son plus simple appareil : pas d’indications et pas de graduation. De toute manière chacun sait, par expérience, qu’une jauge n’est autre qu’un prétexte pour faire patienter l’utilisateur. Ne serait-il pas beaucoup plus utile de passer un petit dessin animé pour distraire le disciple ? Non, impossible, car le temps d’attente est totalement inconnu. Parfois l’indication « Vous devrez attendre plusieurs minutes » est à peine visible tellement l’opération est rapide. Parfois c’est l’inverse : on attend indéfiniment que les deux secondes annoncées se terminent.

Avant d’identifier les divers types de jauges, il faut savoir qu’une jauge ne sert strictement à rien. Le gourou se paie simplement la tête de tous ses disciples acheteurs, qui, comme de sombres imbéciles, restent des heures à regarder des jauges.

Pour éviter que les patients ne suivent l’avancement de la jauge pixel par pixel, le grand gourou eut l’idée de la remplacer par une succession de petits carrés de couleur qui apparaissent l’un après l’autre. Le stress du pixel disparaît et laisse la place au stress de savoir combien il reste encore de carrés pour combler le vide restant.

Plusieurs variantes se suivent alors, histoire de ne pas laisser s’installer des habitudes dans le cerveau des adeptes.

On trouve d’abord la « jauge qui fait des petits ». Quand on pense que c’est terminé, la jauge revient à zéro et recommence. A quoi peut bien servir une telle jauge puisqu’on ne sait pas à l’avance combien de fois elle renaîtra de ses cendres ?

Firefox, et d’autres, ont inventé la « jauge fractionnée ». Il s’agit de plusieurs zones à l’intérieur de la jauge principale agissant comme des jauges indépendantes.

Parfois, lors d’un problème d’installation, la désinstallation forcée est accompagnée d’une « jauge inversée » qui diminue de droite à gauche.

On trouve également la « jauge infinie » qui va de gauche à droite, puis de droite à gauche et ainsi de suite.

Vista ne pouvait être en reste et introduit la « jauge à à-coups ». Cette jauge avance par coups de bélier colorés et est du plus bel effet.

On trouve également des jauges qui sortent de l’ordinaire. La « jauge 99% », comme son nom l’indique, s’arrête à 99%. La « jauge overflow » peut parfois atteindre 101, 102, voire 200 %. La « jauge d’horloger » affiche des pourcentages avec trois chiffres après la virgule. La « jauge déprimante » qui décompte les secondes : 3, 2, 1, 0, puis reste au moins deux ou trois minutes sur 0 avant de terminer. La « jauge flash » cache bien son jeu ; il est parfois impossible de savoir qu’il s’agit d’une jauge. Citons enfin la « jauge figée », en format BMP, très utile pour les retraités.

Moralité : finissons-en avec les jauges ! On veut des films à la place ! De toute manière on sait qu’il faut attendre trop longtemps.

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