dimanche 28 septembre 2008

Prozac


Ce matin, ça n'allait pas. Je me suis levé à l'heure habituelle, j'ai pris mon café, et déjà je ne me sentais pas à l'aise, sans raison apparente. Très inquiet, j'ai appelé mon médecin.

Sa secrétaire, remarquant mon état, me passa immédiatement le docteur. Après lui avoir décrit mes symptômes pendant dix bonnes minutes, il ne voyait rien de grave. Il suggéra une éventuelle baisse de moral liée à un manque de sérotonine et m'indiqua des médicaments pouvant m'aider à surmonter cette mauvaise passe.

Je fonçai à la pharmacie. Trois personnes attendaient déjà une hypothétique pharmacienne. Lorsqu'elle se matérialisa devant moi, j'en conclus que c'était à mon tour. J'essayai sans succès de me souvenir du nom du médicament. Je me souvenais de "sirop de quelque chose", "sirop bromine", "sirop tymine", je ne savais plus trop.

Tout à coup le flash. Ah oui ! J'avais un manque de sirop tonic. Etonnamment la pharmacienne sembla comprendre et alla me chercher une bouteille pleine de ce breuvage miracle. J'avalai une première gorgée en rentrant chez moi.

Une fois arrivé, j'avalai à nouveau d'une traite une gorgée de sirop. Tout de suite j'ai senti un effet bénéfique, mais pas assez pour me convaincre que j'allais mieux. Je repris rapidement une troisième gorgée. Déjà je me sentais mieux; je regardais mon chat qui était en train de se préparer une truite aux fines herbes à la poêle. La sonnerie de la porte d'entrée retentit, je décrochai mon combiné téléphonique.

C'était ma voisine qui voulait savoir pourquoi j'étais chez elle. Je ne comprenais pas de quoi elle me parlait et l'invitai à entrer pour prendre une gorgée de sirop. Comme elle s'énervait, je lui raccrochai violemment la porte au nez et jetai le chat par la fenêtre avec la truite. La télévision s'alluma toute seule alors qu'une envie pressante me saisit.

Le téléphone sonna une seconde fois. Quand j'ouvris la porte, ma concierge, accompagnée de ma voisine, me demanda pourquoi j'urinais par la fenêtre. Interloqué, j'ai tout de suite pensé à une blague et je les invitai à entrer chez moi pour manger de la truite au sirop.

Un courant d'air referma brusquement la porte. Quand je la rouvris, elles avaient disparu, remplacées par un aspirateur et deux balais. Un bon verre de sirop me fit le plus grand bien.

Quelques heures plus tard, le chat n'était toujours pas revenu, ce qui tombait bien, puisque je n'avais jamais eu de chat; je suis allergique aux poils de chat. Mais le poisson bleu était toujours là, il flottait à la surface de l'eau. Je le regardais fixement faire la planche, détendu et heureux après le petit verre de sirop que j'avais versé dans son aquarium. J'allais bien, le poisson aussi. Même mon appartement me semblait bien plus agréable.

La porte sonna une troisième fois; toujours personne derrière le combiné, juste un aspirateur et deux balais. Tout à coup une explosion détruisit la porte d'un placard juste à côté. Un policier fit irruption. Immédiatement je lui ai demandé pourquoi il entrait chez moi par une armoire. L'homme stoppa net son élan. Avait-il retrouvé la truite aux fines herbes ? Je lui proposai alors un verre de sirop.

Ce sirop a changé ma vie. Terminés les soucis, les idées noires, les moments de stress, les doutes et les atermoiements. Me voyant ainsi transformé, beaucoup de mes amis ont adopté ce sirop. Nous avons l'impression de vivre dans couche de bonheur insérée dans la réalité. Quel est vraiment le monde réel ? On est en droit de se le demander.

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