samedi 24 janvier 2009

Tony, épisode 4. Le langage


Sous la forme d'un cerveau, d'une paire d'yeux et d'un semblant d'oreille, la vie dans un bocal n'est pas une sinécure. Tony veut s'en sortir, ou au moins savoir pourquoi il est là, posé sur cette étagère, étrange prisonnier d'un lieu inconnu.

Le début de dialogue avec son voisin, à coups de contractions de pupilles, lui redonne un peu de courage. Pour le moment la technique de codage du langage est rudimentaire et laborieuse. Mais pourquoi n'a-t-il donc jamais appris le morse quand il était enfant ? Tout à coup il se dit qu'il est peut-être un enfant. Mais il élimine vite cette hypothèse, car, bien qu'encore amnésique, il sait des choses que les enfants ignorent.

Pour le moment, il aimerait poser une question à son colocataire. Bien qu'ils fassent bocal à part, ils partagent la même étagère. L'avant-dernière en partant du plafond, d'après ce qu'il peut voir. Ne sachant ni comment ni pourquoi on l'a mis dans ce bocal, il hésite à poser une question. Cet embryon de communication aurait-il été mis en place à l'unique fin qu'il garde un espoir d'évasion, comme les gardiens ont l'habitude de faire dans les prisons "normales" ?

Il se décide, car il n'a pas le choix. Mais quelle question poser en premier ? "Où sommes-nous ?" ou bien "Qui êtes-vous ?". Il opte pour la seconde, peut-être par peur de la réponse à la première. Il compte les lettres dans sa tête, si l'on peut dire, et se force à actionner ses pupilles. La réponse ne tarde pas: "Je suis professeur de danse."

Tony lui dit qu'il a perdu la mémoire et qu'il ignore tout de ce qui lui arrive. Son voisin lui répond: "Je m'appelle Juliette. J'ai beaucoup d'informations à vous transmettre, mais notre méthode de codage n'est pas des plus ergonomiques". Tony est surpris. Il a en face de lui une femme, mais qui n'a rien d'une femme, à part de beaux yeux. De surcroît, il n'a aucun moyen de savoir son âge, même approximativement. En effet, des rides sur un cerveau ne sont pas d'un grand secours pour dater une personne, et il n'est pas assez effronté pour demander son âge à Juliette.

Fait extrêmement curieux, depuis qu'il sait que sa voisine est une femme, il n'est plus vraiment le même. Il se met à penser comme un homme en présence d'une femme, et non plus comme un cerveau face à un cerveau.

Elle lui raconte avoir eu plusieurs voisins depuis qu'elle est arrivée, six mois auparavant. Une des principales préoccupations des cerveaux est de trouver un moyen de communiquer facile et rapide. Pour tous, la contraction des pupilles a été une évidence, malgré certaines tentatives du côté des ondes alpha, pour le moment infructueuses. Le code de représentation des caractères et des mots est plus varié.

Certains ont essayé la méthode T9, utilisée sur les téléphones portables. Elle présente l'avantage de comprendre un mot avant de l'avoir complètement écrit, mais elle est réservée aux plus doués, impliquant de connaître quasiment tous les débuts de mots du dictionnaire.

Finalement, le code le plus utilisé dans le Centre reste le morse. Tony l'apprend en quelques heures avec l'aide de Juliette. Il est impatient de discuter, mais aussi un peu inquiet sur ce qu'il va découvrir.

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