jeudi 15 janvier 2009

Tony, épisode 1. Où suis-je ?


Rien. Strictement rien. Tony n'est rien. Il ne pense même pas. Apparemment il vit. Comment sait-il qu'il est vivant ? Il n'en sait rien. Il est là, mais il ne sait même pas où. Il ne voit rien, n'entend rien, et ne peux pas bouger. Pour bouger, il faudrait déjà qu'il ait la notion d'espace.

Tiens, une faible lueur vers la droite. Etant donné ses affinités politiques, il aurait préféré vers la gauche, mais il n'a pas le choix. Ses pensées se réveillent peu à peu, comme après un grand choc, un coma peut-être. L'amnésie totale.

La lueur se précise, devient plus claire, mais reste floue. Le temps passe-t-il ? Tony a également perdu la notion de temps. Depuis quand est-il là ? Mais où, là ? Il ne sait ni qui il est, ni où il est, ni pourquoi.

Après un certain temps, disons simplement "plus tard", il lui semble entendre des sons estompés, comme des borborygmes. Rien de connu en tout cas. La lueur se précise. Deux images se font concurrence, un peu moins floues, mais oscillantes. Comme des vagues. Par moment, Tony distingue des formes colorées qui se déplacent, et passent d'une image à l'autre. Il en déduit que l'une des images est la suite de l'autre. Lorsqu'une forme sort d'une image, elle réapparaît dans l'autre.

Est-il atteint d'un problème de vision ? S'il voit et qu'il peut réfléchir, il n'est probablement pas dans le coma… Ses pensées et son raisonnement redeviennent opérationnels. Ça y est, cette fois Tony est conscient. Il ne rêve pas, mais il est très inquiet. Il ne sent pas son corps. A-t-il encore un corps ?

Il n'a ni chaud ni froid. Il n'a pas l'impression de respirer. Il ne peut pas fermer les yeux. Il essaie de bouger. Non seulement il n'y parvient pas, mais il est incapable de sentir sur quoi il est assis ou couché.

Pendant un certain temps la lueur a complètement disparu. Pas d'un seul coup, mais graduellement. Tony scrute, mais il ne sait même pas quoi scruter. Il cherche la lueur. Elle revient, aussi naturellement qu'elle avait disparu. Sans doute la nuit venait de s'écouler.

Cette fois les deux images sont presque nettes, mais toujours ondulantes. Il aperçoit une femme. Il ne distingue pas son visage. Seule une forme brune lui fait penser à des cheveux. Tout à coup il voit deux mains en gros plan qui s'approchent. Il est effrayé, mais il ne peut rien faire. Le paysage change, mais pas les mains, semblant agrippées à son crâne. On est en train de le transporter. Comment cette femme peut-elle le déplacer à bout de bras, visiblement sans effort ?

Le décor se stabilise. Les mains s'éloignent de Tony. La femme s'en va. Il essaie d'analyser les seules informations qui lui parviennent. Pour le moment, son seul centre d'intérêt c'est l'image. Il aperçoit, sur la droite, une règle graduée, une souris d'ordinateur et une plaque de chocolat. Il reconnaît ces objets, car le premier plan est plus net que les autres zones. Il serait donc sur un bureau. Du moins sa tête. Et le reste ? Comment peut-il avoir la tête sur un bureau ? Seulement la tête ? Cette idée absurde lui traverse un instant l'esprit.

Tiens, Lolita est de retour. C'est comme ça qu'il la surnomme. Elle s'assied, prend une feuille et commence à écrire. Juste sous ses yeux. Tony l'appelle, mais comme dans certains rêves, rien ne sort. Il crie, mais ne s'entend pas. Soit il est devenu sourd, soit son cri n'est pas réel. Si seulement la mémoire lui revenait, il pourrait essayer de reconstruire les circonstances qui l'ont mis dans cet état.

Lolita termine sa prose, ce qui permet à Tony d'imaginer combien de temps s'est écoulé depuis qu'elle s'est assise. Cette information ne lui est pas vraiment utile. Lolita se lève et sort en laissant la porte ouverte. La vitre de la porte est quasiment face à Tony. Il tente de distinguer son image par réflexion, mais il fait trop clair dans la pièce. Attendre la nuit est peut-être la solution. Pour autant que la lumière reste allumée dans la pièce. Tony s'étonne de ne pas avoir sommeil depuis deux jours.

La nuit arrive et le reflet s'améliore. Tony voit l'ordinateur, la souris, mais rien d'autre. Si, une grande chope de bière, ou plutôt un aquarium avec une sorte d'éponge et des cailloux à l'intérieur. Par triangulation avec les objets environnants, il en conclut qu'il est dans l'aquarium. Ce n'est pas possible. En fait d'aquarium, il s'agit d'un grand bocal avec une fermeture comme celle des vieux pots de confiture.

Tony est vraiment enfermé dans un bocal!

Aucun commentaire: