samedi 31 janvier 2009

Tony, épisode 6. Les détails


Tony sort de son bain. Il se sent plus mouillé que d'habitude et se frotte les yeux. Après s'être rapidement séché, il rejoint sa femme et sa fille dans la véranda pour le traditionnel petit-déjeuner dominical.

Hier, la soirée s'est prolongée jusqu'à tard. On aurait dit que les invités, son ami Michel et son épouse, n'avaient pas envie de rentrer chez eux. Il faut dire que le froid et la neige qui tombait ne donnaient pas envie de mettre le nez dehors.

Les discussions allaient bon train. D'un côté, les deux confrères débattaient âprement au sujet de la légalisation de l'euthanasie. De l'autre, les femmes riaient sans raison apparente, peut-être à cause du repas un peu trop arrosé. Michel avait tout son temps, car il n'était pas de garde à la clinique le lendemain. Ils ont donc attendu que la neige cesse de tomber, vers deux heures du matin, pour regagner leur domicile.

Juliette voit bien que Tony est absent. Elle le sollicite de tous ses yeux. Finalement, il émerge et s'excuse d'avoir déserté la conversation.

Elle reprend son discours là où il lui semble que Tony a décroché. Elle lui apprend que deux semaines après son arrivée, elle a passé une dizaine de jours en compagnie d'un nageur de combat cubain. Un de ces durs à cuire à qui rien ne fait peur, et pour cause, ils sont entraînés pour résister aux pires conditions. Miguel, c'était son nom, lui a appris le morse.

Il était très remonté contre ceux qui l'avaient mis dans cet état. Lors d'une mission délicate, il a été capturé par l'ennemi et torturé à l'extrême. N'arrivant rien à faire de lui, et ne voulant pas le tuer, ses tortionnaires ont décidé de le vendre à des scientifiques travaillant dans un centre de recherche secret. Le seul moyen de neutraliser sa fougue a été de le priver de son corps. Il s'est ainsi retrouvé comme tous les "habitants" du centre. Il se souvenait seulement d'un professeur en blouse blanche qui lui annonça la bonne nouvelle. Miguel, ou plutôt son cerveau et ses yeux, allait être mis en bocal. Puis un grand trou noir. A son réveil, il se retrouve face à Juliette.

Après trois jours, Miguel est même parvenu, à force de volonté, à contracter tellement violemment ses pupilles, qu'il pouvait déplacer ses yeux, et donc à se faire pivoter à l'intérieur du bocal. Les surveillants auraient-ils remarqué son extraordinaire esprit de révolte, ou auraient-ils simplement décidé qu'il devenait gênant ? Le fait est qu'un jour, Clémence a pris le bocal et l'a vidé de son liquide dans le grand lavabo en inox. Elle a ensuite versé Miguel dans un mixer et l'a mis en marche jusqu'à obtenir un mélange mousseux ayant un aspect de frappé au melon.

A-t-il souffert ?

Ce récit macabre n'est pas pour égayer les pensées de Tony, qui adore les frappés. Cet épisode brouille momentanément ses idées et il se demande vraiment si tout ceci a un sens. Il en vient même à espérer le mixer. Heureusement que Juliette veille. Elle hésite à lui révéler d'autres informations de peur de le voir transformé en zombie, comme tant d'autres pensionnaires qui ont sombré dans un état végétatif irréversible.

mardi 27 janvier 2009

Tony, épisode 5. Le dialogue


La vie d'un cerveau n'est rythmée par aucun processus. Même la lumière est en permanence allumée dans cette prison aseptisée. Ravi d'avoir découvert que le cerveau du bocal d'en face est en fait une cervelle, Tony se repose avant de reprendre le dialogue. Prendre du repos signifie simplement s'efforcer de ne penser à rien. Plus facile à dire qu'à faire lorsqu'on se trouve dans une telle situation.

Voilà! Juliette semble reprendre contact. Quelques contractions de pupilles et la conversation reprend. Avec déjà plusieurs heures d'entraînement, Tony communique à bonne vitesse; disons au rythme d'une conversation orale lente.

Il espère que ces petits muscles qui lui servent à communiquer ne vont pas se fatiguer, ni même s'hypertrophier. De toute manière, il ne ressent aucune douleur.

Juliette se raconte. Elle a quarante-deux ans. Sa mémoire, du moins celle qui précède sa mise en bocal, est presque totalement revenue. Il lui manque seulement les deux jours avant son transfert. Depuis qu'elle traque le moindre indice lui permettant de reconstruire son passé, elle a imaginé mille causes qui auraient pu la priver de son corps. Une dispute avec son mari qui aurait tourné au vinaigre. Seul son cerveau aurait pu être sauvé. Il est vrai que son couple commençait à battre de l'aile. Un de ses derniers souvenirs est une chute d'un escabeau. Lui aurait-elle été fatale? Elle a également pensé à un enlèvement; mais par qui et pourquoi ?

Elle conseille à Tony de ne pas s'acharner à retrouver des souvenirs et des explications. Petit à petit sa mémoire va se réorganiser et se laisser consulter. Il faut en moyenne une semaine aux nouveaux arrivants pour parvenir à communiquer, mais plusieurs semaines sont nécessaires pour une atténuation sensible de l'amnésie.

Ces constatations concernent uniquement les bocaux munis d'yeux, c'est-à-dire environ la moitié des cas. Juliette ne sait rien à propos des autres. Personne n'en sait rien. L'idée d'un cerveau sans corps et sans aucun moyen sensoriel de communication effraie Tony, qui se sent favorisé par la présence de ses yeux et d'une oreille dont il n'a pas encore vraiment mesuré l'utilité.

Comment peut-on exister sans contact et sans échange avec son environnement ? Un cerveau qui pense, mais qui pense seulement, peut-il être considéré comme vivant ? L'état dans lequel se trouve Tony est inconcevable, mais se dire qu'il y a pire, bien pire, on atteint l'inimaginable, l'inqualifiable.

Juliette devine à quoi il pense. Ses yeux sont inactifs; il se tait, virtuellement prostré dans son récipient. Elle insiste pour lui changer les idées, pour lui suggérer des échappatoires, pour rendre la situation moins déterministe.

Etre enfermé sans raison apparente est déjà déprimant, même pour une personne ayant toute son intégrité physique. C'est le sort de beaucoup de détenus dans le monde. Mais être, en plus, obligé de vivre sans communication ni mouvement possible, relève de la pire des tortures.

A nouveau, Juliette essaie de le sortir de sa torpeur. Elle lui parle des spectacles de danse qu'elle a organisés, des personnes qu'elle connaît, de tout et de rien, en espérant distraire Tony dont elle ne voit que les yeux, mais qui lui semble complètement pâteux.

samedi 24 janvier 2009

Tony, épisode 4. Le langage


Sous la forme d'un cerveau, d'une paire d'yeux et d'un semblant d'oreille, la vie dans un bocal n'est pas une sinécure. Tony veut s'en sortir, ou au moins savoir pourquoi il est là, posé sur cette étagère, étrange prisonnier d'un lieu inconnu.

Le début de dialogue avec son voisin, à coups de contractions de pupilles, lui redonne un peu de courage. Pour le moment la technique de codage du langage est rudimentaire et laborieuse. Mais pourquoi n'a-t-il donc jamais appris le morse quand il était enfant ? Tout à coup il se dit qu'il est peut-être un enfant. Mais il élimine vite cette hypothèse, car, bien qu'encore amnésique, il sait des choses que les enfants ignorent.

Pour le moment, il aimerait poser une question à son colocataire. Bien qu'ils fassent bocal à part, ils partagent la même étagère. L'avant-dernière en partant du plafond, d'après ce qu'il peut voir. Ne sachant ni comment ni pourquoi on l'a mis dans ce bocal, il hésite à poser une question. Cet embryon de communication aurait-il été mis en place à l'unique fin qu'il garde un espoir d'évasion, comme les gardiens ont l'habitude de faire dans les prisons "normales" ?

Il se décide, car il n'a pas le choix. Mais quelle question poser en premier ? "Où sommes-nous ?" ou bien "Qui êtes-vous ?". Il opte pour la seconde, peut-être par peur de la réponse à la première. Il compte les lettres dans sa tête, si l'on peut dire, et se force à actionner ses pupilles. La réponse ne tarde pas: "Je suis professeur de danse."

Tony lui dit qu'il a perdu la mémoire et qu'il ignore tout de ce qui lui arrive. Son voisin lui répond: "Je m'appelle Juliette. J'ai beaucoup d'informations à vous transmettre, mais notre méthode de codage n'est pas des plus ergonomiques". Tony est surpris. Il a en face de lui une femme, mais qui n'a rien d'une femme, à part de beaux yeux. De surcroît, il n'a aucun moyen de savoir son âge, même approximativement. En effet, des rides sur un cerveau ne sont pas d'un grand secours pour dater une personne, et il n'est pas assez effronté pour demander son âge à Juliette.

Fait extrêmement curieux, depuis qu'il sait que sa voisine est une femme, il n'est plus vraiment le même. Il se met à penser comme un homme en présence d'une femme, et non plus comme un cerveau face à un cerveau.

Elle lui raconte avoir eu plusieurs voisins depuis qu'elle est arrivée, six mois auparavant. Une des principales préoccupations des cerveaux est de trouver un moyen de communiquer facile et rapide. Pour tous, la contraction des pupilles a été une évidence, malgré certaines tentatives du côté des ondes alpha, pour le moment infructueuses. Le code de représentation des caractères et des mots est plus varié.

Certains ont essayé la méthode T9, utilisée sur les téléphones portables. Elle présente l'avantage de comprendre un mot avant de l'avoir complètement écrit, mais elle est réservée aux plus doués, impliquant de connaître quasiment tous les débuts de mots du dictionnaire.

Finalement, le code le plus utilisé dans le Centre reste le morse. Tony l'apprend en quelques heures avec l'aide de Juliette. Il est impatient de discuter, mais aussi un peu inquiet sur ce qu'il va découvrir.

mardi 20 janvier 2009

Tony, épisode 3. Un espoir


Tony a dû perdre conscience, pour autant qu'un cerveau puisse perdre conscience. On perd conscience par rapport à son corps, mais, quand il n'y a plus de corps, cela équivaut à ne plus exister.

Tony revient à lui. Pendant un bref instant il ne sait plus qui il est, ni où il est. Plus les idées lui reviennent, plus il panique. Astreint à une vie consciente dans la pire des prisons qui soit, un bocal. Obligé de vivre sans pouvoir bouger, jamais il n'aurait pu imaginer que cela puisse exister. Le sentiment est tellement impossible, tellement inimaginable, que Tony, par moment, croît encore à un rêve.

Le plus déprimant est de penser que cette situation est irréversible. Plus jamais il ne retrouvera ses jambes, ses doigts, ses poumons, sa langue, son apparence. Sa plus grande crainte est qu'il puisse, où plutôt qu'il soit obligé, de vivre éternellement. Il sait bien qu'un cerveau s'altère graduellement, que ses neurones meurent à un rythme effréné. Mais ceux qui l'ont mis dans ce bocal ont des connaissances scientifiques hors du commun. Seraient-ils également parvenus à préserver l'état d'un cerveau ad vitam aeternam ?

Cette question ne devrait pas se poser. Du moins, elle n'est pas fondamentale. Sauf pour quelqu'un qui est confronté à l'inimaginable, au pire des supplices: condamné à penser sans agir.

Du coup, Tony oublie ses voisins. Après tout, il n'est pas seul. Maigre réconfort, mais lueur d'espoir tout de même. Le propre de l'être humain n'est-il pas que sa pensée peut contrôler et dominer ses instincts ?

Tony se concentre alors sur la personne, en fait le cerveau, en fait le bocal qui se trouve à une trentaine de centimètre du sien, sur une étagère. Dans une pièce entièrement carrelée de blanc, comme une morgue.

Il fait l'inventaire des moyens de communication à sa disposition, mais, avec ce qui lui reste de corps, il ne voit que deux petits muscles pour espérer s'exprimer. Il fixe les yeux d'en face et essaie de contrôler ses pupilles, comme on peut parfois le faire volontairement.

Son vis-à-vis a une paire d'yeux bleus, très beaux. Il se prend à imaginer qu'ils appartiennent à une femme. Tout à coup, ils s'animent. Leur pupille se contracte et se dilate de manière irrégulière. Son idée était la bonne. Il a l'impression d'une ébauche de communication, ou du moins d'une prise de contact.

Pendant de longues minutes il observe ce faible mouvement et essaie d'en décrypter la signification. Serait-ce du morse ? De toute manière il ne connaît pas le morse. Au mieux, il se souvient de la lettre A, un point suivi d'un trait, et de la lettre E, un point. C'est insuffisant.

Le cerveau d'en face interrompt ses mouvements pendant un bon moment, probablement déçu par le manque de réaction de Tony.

Quand on en est condamné à penser, on gamberge, on divague, on se fragmente, mais, en fin de compte, on s'organise. Voilà que les mouvements d'en face reprennent, différents, avec des séquences plus longues, séparées par des temps de repos. Après une série de signaux, un repos plus long. Puis tout recommence, dans le même ordre. Visiblement on lui répète le même message en continu.

Tony passe en revue tout ce qui pourrait lui permettre de déchiffrer ce code, quand tout à coup il comprend. Il rayonne, il est heureux, il peut communiquer avec quelqu'un. Il a compris le message: "HELLO". Chaque lettre est représentée par autant de signes que son numéro d'ordre dans l'alphabet.

Il se reprend et se fait un résumé de la situation. Il est dans un bocal, sans savoir où ni pourquoi. Il n'est pas seul. Il ne rêve pas, puisqu'il peut communiquer avec son entourage. Et de toute manière, si c'est un rêve, c'est encore mieux, car tout rêve a une fin.

vendredi 16 janvier 2009

Tony, épisode 2. Pourquoi ?


Tony est enfermé dans un bocal. Il est vivant, mais n'a plus de corps. Néanmoins, il pense, il voit (un peu trouble) et entend très mal. Serait-il réduit à l'état d'âme ? Depuis environ deux jours qu'il a découvert sa nouvelle vie, il se pose des questions.

S'agit-il d'une nouvelle vie ? Est-il lui ? En tout cas il réfléchit comme lui. Ce lui ne peut pas être quelqu'un d'autre.

Une chose est sûre: il ne peut pas bouger. D'ailleurs son image lui indique qu'il n'a pas de corps. Ou plutôt que, là où il est censé se trouver, il y a un bocal avec une sorte de grosse éponge baignant dans un liquide jaunâtre. La grosse éponge c'est donc lui.

Il tente une nouvelle fois d'analyser ce qu'il voit. Il ignore s'il a encore des yeux, mais il essaie de les cligner afin d'augmenter son acuité visuelle. Comble de l'horreur, cette fois il se voit, c'est bien lui. La chose qui flotte dans le bocal n'est autre qu'un…cerveau.

Inimaginable, impossible, répugnant. Il est son cerveau, mais son cerveau uniquement. Tony ne comprend vraiment plus rien et sent qu'il va s'évanouir. Ses idées sont totalement enchevêtrées. Il est en état de choc. Il pense qu'il va mourir, ou pire, qu'il est déjà mort.

Il regarde plus attentivement son reflet dans la vitre et aperçoit deux globes oculaires à côté du cerveau. Ses yeux, juste des yeux, reliés au cerveau par deux lambeaux croisés. Il comprend mieux les deux images discontinues, le flou, les mouvements d'ondulation. En revanche, il ne voit pas d'oreille, alors qu'il est sûr d'avoir entendu des sons très cotonneux.

Voilà, il est dans un bocal. Il est vivant, il a deux yeux trop écartés. Le fonctionnement de sa matière grise constitue sa seule activité possible. Il ne peut pas pleurer, bouger, parler, se taper la tête contre les murs, se suicider. Mais voilà Lolita qui revient, accompagnée par une sorte de médecin en blouse blanche qu'il lui semble reconnaître.

Dans la vitre, Tony observe le professeur, comme il a décidé de le surnommer, qui farfouille dans le bocal, derrière le cerveau. Il ajuste un appareil duquel sortent de minces tuyaux. Tony se concentre et parvient à capter péniblement ce que dit le professeur. "La pompe doit toujours fonctionner, Clémence. C'est vital. Nous avons failli le perdre à cause de vous. Il faut espérer qu'il n'y aura aucune séquelle grave. Vous savez, un cerveau en manque d'oxygène peut générer une amnésie quasi-irréversible."

Pompe ? Oxygène ? Amnésie ? Tony fait tout son possible pour comprendre. Amnésie, oui; il se rend bien compte qu'il n'a aucun souvenir. Irréversible, il espère que non.

Aurait-il eu un accident ? Il est peut-être mort, et seul son cerveau a pu être maintenu en vie. Les deux mains de Lolita, ou plutôt Clémence, saisissent le bocal et le transporte dans une autre pièce. Pendant le trajet, Tony essaie d'observer, mais il ne voit rien. Trop de vagues dans ce bocal. En plus, les deux images se désolidarisent. Forcément, ses yeux flottent et bougent avec le liquide.

Clémence le pose sur une étagère. Face à lui, il voit un bocal, identique au sien, avec un autre lui dedans. L'aurait-on placé devant un miroir ? Non, dans son bocal il y a encore des mouvements de liquide, mais pas dans l'autre. Tony comprend qu'ils sont deux prisonniers. Ils sont même plusieurs, car à travers le bocal de son vis-à-vis il peut voir un alignement d'au moins dix bocaux. Plus loin, c'est trop flou.

Non seulement il vit dans un bocal, mais la pièce regorge de cerveaux flottants. Tout devient noir. Plus rien. Plus une image, même plus une pensée.

jeudi 15 janvier 2009

Tony, épisode 1. Où suis-je ?


Rien. Strictement rien. Tony n'est rien. Il ne pense même pas. Apparemment il vit. Comment sait-il qu'il est vivant ? Il n'en sait rien. Il est là, mais il ne sait même pas où. Il ne voit rien, n'entend rien, et ne peux pas bouger. Pour bouger, il faudrait déjà qu'il ait la notion d'espace.

Tiens, une faible lueur vers la droite. Etant donné ses affinités politiques, il aurait préféré vers la gauche, mais il n'a pas le choix. Ses pensées se réveillent peu à peu, comme après un grand choc, un coma peut-être. L'amnésie totale.

La lueur se précise, devient plus claire, mais reste floue. Le temps passe-t-il ? Tony a également perdu la notion de temps. Depuis quand est-il là ? Mais où, là ? Il ne sait ni qui il est, ni où il est, ni pourquoi.

Après un certain temps, disons simplement "plus tard", il lui semble entendre des sons estompés, comme des borborygmes. Rien de connu en tout cas. La lueur se précise. Deux images se font concurrence, un peu moins floues, mais oscillantes. Comme des vagues. Par moment, Tony distingue des formes colorées qui se déplacent, et passent d'une image à l'autre. Il en déduit que l'une des images est la suite de l'autre. Lorsqu'une forme sort d'une image, elle réapparaît dans l'autre.

Est-il atteint d'un problème de vision ? S'il voit et qu'il peut réfléchir, il n'est probablement pas dans le coma… Ses pensées et son raisonnement redeviennent opérationnels. Ça y est, cette fois Tony est conscient. Il ne rêve pas, mais il est très inquiet. Il ne sent pas son corps. A-t-il encore un corps ?

Il n'a ni chaud ni froid. Il n'a pas l'impression de respirer. Il ne peut pas fermer les yeux. Il essaie de bouger. Non seulement il n'y parvient pas, mais il est incapable de sentir sur quoi il est assis ou couché.

Pendant un certain temps la lueur a complètement disparu. Pas d'un seul coup, mais graduellement. Tony scrute, mais il ne sait même pas quoi scruter. Il cherche la lueur. Elle revient, aussi naturellement qu'elle avait disparu. Sans doute la nuit venait de s'écouler.

Cette fois les deux images sont presque nettes, mais toujours ondulantes. Il aperçoit une femme. Il ne distingue pas son visage. Seule une forme brune lui fait penser à des cheveux. Tout à coup il voit deux mains en gros plan qui s'approchent. Il est effrayé, mais il ne peut rien faire. Le paysage change, mais pas les mains, semblant agrippées à son crâne. On est en train de le transporter. Comment cette femme peut-elle le déplacer à bout de bras, visiblement sans effort ?

Le décor se stabilise. Les mains s'éloignent de Tony. La femme s'en va. Il essaie d'analyser les seules informations qui lui parviennent. Pour le moment, son seul centre d'intérêt c'est l'image. Il aperçoit, sur la droite, une règle graduée, une souris d'ordinateur et une plaque de chocolat. Il reconnaît ces objets, car le premier plan est plus net que les autres zones. Il serait donc sur un bureau. Du moins sa tête. Et le reste ? Comment peut-il avoir la tête sur un bureau ? Seulement la tête ? Cette idée absurde lui traverse un instant l'esprit.

Tiens, Lolita est de retour. C'est comme ça qu'il la surnomme. Elle s'assied, prend une feuille et commence à écrire. Juste sous ses yeux. Tony l'appelle, mais comme dans certains rêves, rien ne sort. Il crie, mais ne s'entend pas. Soit il est devenu sourd, soit son cri n'est pas réel. Si seulement la mémoire lui revenait, il pourrait essayer de reconstruire les circonstances qui l'ont mis dans cet état.

Lolita termine sa prose, ce qui permet à Tony d'imaginer combien de temps s'est écoulé depuis qu'elle s'est assise. Cette information ne lui est pas vraiment utile. Lolita se lève et sort en laissant la porte ouverte. La vitre de la porte est quasiment face à Tony. Il tente de distinguer son image par réflexion, mais il fait trop clair dans la pièce. Attendre la nuit est peut-être la solution. Pour autant que la lumière reste allumée dans la pièce. Tony s'étonne de ne pas avoir sommeil depuis deux jours.

La nuit arrive et le reflet s'améliore. Tony voit l'ordinateur, la souris, mais rien d'autre. Si, une grande chope de bière, ou plutôt un aquarium avec une sorte d'éponge et des cailloux à l'intérieur. Par triangulation avec les objets environnants, il en conclut qu'il est dans l'aquarium. Ce n'est pas possible. En fait d'aquarium, il s'agit d'un grand bocal avec une fermeture comme celle des vieux pots de confiture.

Tony est vraiment enfermé dans un bocal!

mardi 13 janvier 2009

10 bonnes raisons de renoncer au gros lot


Vous ne jouez que très rarement à l'Euro-Millions et vous venez de gagner le gros lot de 108 millions d'euros. Voici dix bonnes raisons de renoncer à votre gain.

Vous ne voulez pas garder un seul centime. C'était juste pour vous convaincre que vous pouviez le faire.

Vous avez déjà assez d'argent.

Les chiffres, c'est pas votre tasse de thé.

De toute manière on va tout vous piquer.

C'est pas le moment, vous les mettriez où ?

Le fisc.

Vous ne prendriez plus aucun plaisir à jouer aux jeux d'argent.

Le montant est dérisoire.

Vous êtes joueur et vous préférez tout remettre en jeu.

L'argent ne fait pas le bonheur.

Mais surtout, vous n'aimez pas les instruments de musique. Alors les grelots...

dimanche 11 janvier 2009

11 septembre 2001


Nous sommes le 11 septembre 2001 à 13h48. Julien et Sophie arrivent en pleurant vers leur mère, accompagnés par une voisine. Ils sont catastrophés, pleurent par grosses saccades et ont du mal reprendre leur respiration.

La voisine, Jane, est bouleversée. Un vrai drame vient de se dérouler, il y a juste deux minutes. Mais que va-t-on faire ? Comment annoncer la nouvelle au père des deux enfants?

Saboter deux constructions érigées avec autant d'efforts est inimaginable. Les gens venaient de loin pour les admirer. Saboter, le mot est faible. Il faudrait plutôt parler de conspiration et de provocation. Les tours sont méconnaissables.

Ce qui vient d'arriver laissera des traces indélébiles dans la tête des deux frères et sœurs. Comment peut-on imaginer que quelqu'un intervienne si violemment sur un territoire qui semblait pourtant bien protégé ? Personne n'a rien vu venir. Et, à quelques secondes de l'impact, il était déjà trop tard pour réagir.

Les enfants n'arrêtent pas de pleurer. Ils ont de la poussière et du sable plein les cheveux. Leur mère téléphone à son mari pour qu'il vienne le plus vite possible. Ce ne sera pas facile, à cette heure-ci, de venir de Calvi à Bastia au milieu des embouteillages.

Le père arrive à 15h30. Julien et Sophie sont toujours en train de sangloter. Il s'agit maintenant de comprendre ce qui s'est passé. La voisine, qui a assisté à la scène, raconte tout depuis le début.

Les deux enfants étaient sur le point de terminer leur construction pour le concours annuel de châteaux de sable qu'organise le camping des nénuphars. Chaque équipe a trois jours pour construire un château. Les enfants s'y préparent de longue date, car les récompenses sont somptueuses.

Et voilà qu'à 13h45 une bande d'ados, étrangers au camping, arrive sur la plage avec des ballons de football. Les admirateurs, venus de toute la région, forment des cercles autours des constructions. Tout à coup un des ados pousse un cri strident. Les gens s'écartent. Aussitôt, les complices bombardent le plus de châteaux possible avec leurs ballons.

L'attaque a duré moins d'une minute. Les terroristes en herbe ont pu s'enfuir sans que quelqu'un ait pu intervenir. Une vraie opération éclair, certainement préméditée.

Les séquelles seront profondes, surtout pour Julien qui s'était spécialement préparé pour ce concours. Tout le camping se souviendra longtemps de ce 11 septembre 2001.

Depuis ce jour, les vacanciers de tous les campings de France, et bientôt d'Europe, doivent porter un badge fluo sur le front. Certaines mauvaises langues prétendent que le commando a été téléguidé par les propriétaires du camping. Ces derniers en auraient eu assez d'organiser ce concours ridicule et, surtout, ils cherchaient depuis un moment un moyen qui leur permette de vérifier facilement quelle sont les personnes qui résident dans leur camping.

mardi 6 janvier 2009

L'Italie attaque le Vatican


Le 17 janvier 2010, l'Italie entre en guerre avec le Vatican. Depuis quelques temps déjà le pape et ses cardinaux voient d'un mauvais œil les nouvelles lois adoptées par le parlement italien, les jugeant un peu trop extrêmes, du moins en conflit avec les valeurs morales de l'Eglise catholique.

Jusque là, la législation en vigueur dans ce lopin pontifical a toujours été identique à celle du reste de la péninsule. Mais voici que l'Etat du célibat invétéré commence à se rebeller contre l'oppresseur, allant même jusqu'à traiter Silvio Berlusconi de pantin ridicule.

Avant de mourir, Jean-Paul II aurait laissé à son successeur un texte dans lequel il demande de refuser toute ingérence de Silvio B. dans les affaires du Vatican. Ce dernier doit rester maître de sa destinée, quitte à rompre avec l'Italie.

B16 se sentant agressé par les nouvelles lois italiennes qu'il juge dictatoriales, et manquant d'os à ronger, partirait bien en croisade. L'ennemi est tout trouvé, le prétexte aussi.

Cependant, les prêtres catholiques ne sont pas des moines de Shaolin. D'abord en raison de leu faible constitution physique, mais également par leur aspect beaucoup moins gai et coloré. Tant pis, ils vont s'entraîner dur et se battre jusqu'à leur dernier souffle pour préserver l'autonomie de leur kilomètre carré.

SB se prit également au jeu et ordonna à son armée d'assiéger le saint siège et d'organiser un embargo total du Vatican. A l'intérieur les hommes d'église s'organisent. Après trois semaines d'encerclement et d'isolement total, la faim se fait sentir. Pour la soif, aucun problème, car les milliers d'hectolitres de vin de messe, d'après un rapide calcul, pouvaient sustenter les hommes en noir pendant trois ou quatre ans.

Ils entreprirent donc de manger d'abord les animaux habituellement comestibles, puis ceux qui l'étaient moins. Finis les banquets gargantuesques! L'heure des vaches maigres est venue. Ils finirent par manger les feuilles des arbres, puis les arbres, puis les bancs d'église.

Après huit mois de siège, l'hiver arrive et les belligérants calment leurs ardeurs. De temps en temps, un commando essayait de forcer les lignes ennemies. Ses membres revêtaient leur plus beaux vêtements et fonçaient dans les barricades, car les habits sacerdotaux et les tiares ça sert de projectiles.

Ils brûlèrent également tous les vieux pneus de la papamobile que le père mécanicien avait cachés dans une remise abandonnée, ceux-là même qui servaient à produire la fumée noire lors de la non élection d'un nouveau pape. Mais rien n'y faisait, SB était décidément bien plus fort qu'un B16 en colère.

Il arrivait parfois qu'un avion allié en provenance d'un évêché environnant largue quelques mètres cubes d'hosties, dont l'utilisation était laissée à l'appréciation de B16.

Après seize mois de combats, les défenseurs de Saint-Pierre, barbus et amaigris, étaient sur le point de déposer les crosses, mais B16 les encourageait à se battre.

Privés d'internet, mais pas de télévision satellite, les vaticaniens écoutaient tous les soirs les chefs d'états qui les priaient instamment de cesser les combats et leur demandaient de rétablir la paix dans la région.

Mais B16 avait prévu un plan diabolique: s'enfuir en bateau et occuper la Crête, pays chaud et paisible où ils pourraient reconstruire leur ville sainte. Le problème est qu'ils n'avaient même pas accès à leur Ostie de port. Sans Ostie, point de salut.

Après deux ans d'affrontements, il ne restait plus que B16 et une poignée d'irréductibles à l'intérieur de la cité. SB entra victorieux sur la place Saint-Pierre et obligea B16 à signer un accord de paix. Le texte précisait que l'Italie allait remettre le Vatican en état, mais SB devenait le propriétaire exclusif de tous les biens de l'Eglise pour une durée de cent ans.

Rome se calma, le monde continua les autres guerres en cours, et SB transforma peu à peu les églises, ses églises, en cinémas ou en salles de spectacle.