samedi 6 janvier 2007

Bateau percé

Nous vivons dans un monde rempli de paradoxes. Plusieurs milliers de morts par an sur les routes françaises génèrent toute une panoplie de mesures de prévention, de modification des infrastructures, des mentalités dont le coût se chiffre en milliards. Or, dans le même temps dix à quinze mille personnes, selon les sources, meurent des suites de maladies nosocomiales contractées dans les hôpitaux et personne ne s'indigne.

Si, à l'avenir, les maladies nosocomiales se développent encore plus, on peut imaginer que la décision d'hospitaliser un malade ou un blessé peut devenir lourde de conséquences. Sachant qu'une admission à l'hôpital peut, indirectement, engendrer de graves séquelles, voire la mort, dues à ces méchantes bactéries devenues résistantes aux plus puissants antibiotiques, une réflexion s'impose. Que faut-il penser d'une médecine qui peut vous mettre en place facilement une prothèse de genou très perfectionnée, quand vous risquez de contracter une infection impossible à combattre à la suite de l'opération ? Vaut-il mieux garder un genou handicapé ou risquer une amputation ? Tout dépend des probabilités, des risques et du confort que l'on attend de la médecine.

Alors qu'un week-end d'été provoque plusieurs centaines de morts atroces sur les routes dont personne ne parle, un accident d'autocar entraînant une vingtaine de victimes fait la une de tous les journaux pendant plusieurs jours. Le président de la république va parfois jusqu'à se rendre sur les lieux pour réconforter les familles. N'y a-t-il pas deux poids deux mesures vis-à-vis des familles des centaines de morts anonymes qui, malheureusement pour eux, ne sont pas morts groupés ? Ce comportement n'est pas anormal, il est juste paradoxal.

Notre société n'est que paradoxe, et nous n'y pouvons rien. Cela tient de l'affectif et de l'irrationnel. C'est le principe du bateau percé: notre société est un bateau qui prend l'eau par plusieurs trous, et bien souvent nous nous évertuons à obturer des dizaines de petits orifices, alors qu'avec moins d'énergie nous pourrions en boucher un gros et obtenir des effets bien plus rapides.

Il est très difficile d'avoir des discours et des comportements globalement cohérents. Prenons un bon et brave écologiste. Suivons son comportement pendant quelques jours et nous trouverons certainement de nombreuses situations en grave contradiction avec les principes écologistes.

Trouver des personnes affirmant ouvertement être pour la guerre est difficile. Or, lorsque l'armée décide, par exemple, de démanteler une base militaire ou lorsque le gouvernement veut fermer une fabrique d'armes, on assiste à une levée de boucliers générale dans la ville concernée.

Moralité: les incohérences ponctuelles de pensée ou de comportement sont incontournables. Continuons à avoir une peur bleue des voyages en avion et à rouler en scooter.

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