mardi 2 janvier 2007

Pauvreté mode d'emploi

La chaîne de magasins Migros a introduit il y a quelques années une gamme de produits dits « M-budget ». L’objectif était de faire baisser les prix des produits d’usage courant en limitant les frais superflus, notamment le prix des emballages : un seul aspect pour toute la gamme.

Un nouvel assortiment de produits a dès lors fleuri les rayonnages des magasins du groupe. Reconnaissables de loin à leur emballage rayé vert et blanc avec brin d’orange, proches du look épuré des boîtes alimentaires de l’armée, d’une laideur recherchée, ces produits ont fait couler beaucoup d’encre.

Migros a souvent fait dans le social et on aurait pu penser que les produits M-budget allaient dans le sens de proposer une gamme bon marché aux familles à revenu modeste. Mais les personnes concernées avaient-elles vraiment besoin d’être mises en évidence à distance par le contenu vert et orange de leur caddie ? Une présentation un peu moins voyante aurait pu passer un peu plus inaperçue tout en remplissant l’objectif fixé.

L’arrivée en Suisse des poids lourds Carrefour, Lidl et autres Aldi ont posé un problème de concurrence au groupe Migros. Ceci explique peut-être aussi la mise place d’un assortiment à « bas prix ».

Au début de l’ère M-budget l’apparition de produits vert/orange d’usage courant tels que carottes, yaourts ou eau minérale paraissait naturelle. Puis vinrent le jus d’orange ou les piles au charbon zinc (d’un mauvais rendement énergétique, mais pour une radio de pauvre…). On trouve aussi le briquet M-budget, étonnant pour une enseigne qui ne vend ni alcool ni cigarettes et qui prône la vie saine (bien entendu on peut aussi allumer un havane avec un briquet !). Sans oublier l’essuie-tout qui n’essuie rien, le produit de nettoyage à vaporiser qui peine même à enlever les traces de doigts, ou encore le téléphone portable vert/orange.

On nous propose également des vélos et des voitures M-budget, peints aux mêmes couleurs que les boîtes de petits pois de la même famille. Peindre un véhicule en orange et vert à rayures revient-il vraiment moins cher qu’une couleur unie et banale ?

Il faut dire que pour une partie du pays M-budget est devenu incontournable ; un must, une mode, un luxe obligatoire. Etre branché, c’est être M-budget. Des soirées M-budget attirent d’ailleurs régulièrement la jet-set et tous ses parasites.

Ne s’éloigne-t-on pas du souci de départ de fournir des articles à prix contenus ?

On peut maintenant trouver des vêtements M-budget : débardeurs, T-shirts, survêtements, shorts, tongs, maillots de bain, tous vert/orange. « Regardez ! Je suis pauvre, mais je vais à la piscine ! Je n’ai pas un sous, mais je roule en M-budget ! ».

Le linge de bain M-budget est particulièrement réussi : en plus du prix brodé en gros caractères, on peut lire le texte « Linge de bain ». C’est juste pour ne pas le confondre avec un mouchoir ou une bouteille d’eau minérale.

A quand des chasseurs de têtes recrutant des banquiers ou des financiers entièrement habillés en vert/orange, du caleçon à la cravate ?

Migros devrait peut-être revenir à des préoccupations plus « sociales », au lieu de s’évertuer à faire passer des produits bon marché pour des objets de luxe extrême.

Moralité : à quand des parkings remplis de Porsche et de Ferrari devant les dépôts d’Emmaüs ?

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