mercredi 3 mai 2006

Zapping pédagogique

Les élèves, ces extra-terrestres !

La société des loisirs est incompatible avec la notion d’effort. Dans notre environnement tout est organisé pour être beau, lisse, agréable et sans problèmes. Toutefois, à certains moments, nous devons suivre des cours, travailler, remplir des impôts, faire le ménage ; bref, fournir un certain travail, moralement ou physiquement fatiguant. Les deux situations sont totalement incompatibles. Imaginez la fée clochette devant faire la queue à une caisse de supermarché, ou changer les pampers de ses enfants. Voilà dans quel paradoxe doivent vivre les jeunes.

Notre société est basée sur le zapping. Offrez un jeu d’ordinateur à un enfant ; son premier réflexe est de chercher sur internet tous les trucs permettant d’avoir un nombre de vies illimité, une somme d’argent infinie, ou de terminer le jeu en moins d’une heure alors qu’il est prévu pour durer au moins dix jours. C’est la génération gameboy.

Les jeunes ne cherchent plus «comment faire», mais «qui, sur internet, l’a fait mieux et pour moins cher». Bien que cela leur soit dommageable, ils ont entièrement raison d’agir de la sorte. On leur offre deux possibilités d’obtenir le même résultat : l’une facile et l’autre qui demande un effort. Le choix est évident.

Les problèmes deviennent plus apparents lorsqu’il s’agit d’enseignement. Il n’y a pas de solution miracle, de bouton magique. On a bien essayé l’apprentissage sans contrainte ni travail, mais comme on peut s’en douter, le constat a été un échec total.

Les élèves et les étudiants sont les mêmes qu’au siècle dernier, ils ont les mêmes gênes, les mêmes capacités. Ce sont les tentations qui ont changé. Ponctuellement ils sont tout à fait capables de travailler intensément.

Deux dérives dues à cette ambiguïté de notre société sont particulièrement apparentes. La première est que très souvent les élèves dorment en classe, indépendamment de l’heure qu'il est, du fait qu’il soient doués ou non, intéressés ou non, et que les cours soient intéressants ou banals. C’est un fait. Ils jouent jusqu’à l’aube (c’est la nuit que les jeux vidéo deviennent intéressants) ou sortent tard le soir. Les études, même primaires, deviennent secondaires. L’école est une obligation accessoire. Ceci est d’autant plus malheureux que les premières victimes sont les jeunes les plus influençables.

La seconde dérive est visible lorsqu’un élève doit trouver une solution à un problème. Ayant, pour beaucoup, perdu l’habitude de chercher par eux-mêmes, on assiste à des situations à la limite de la caricature. Si le problème demande de la réflexion, l’élève abandonne : «je ne comprends rien, j’arrête !». Ce même élève, après qu’on l’ait aiguillé sur la solution, s’il y parvient, dira : «Mais, c’est trop facile !». Pour certains, il n’y a pas de limite entre les deux situations : «C’est trop difficile, je ne le fait pas» et «c’est évident, ça ne sert à rien de le faire». La frontière entre les deux s’appelle l’effort.

La tendance vers de plus en plus de facilité apparente étant bien ancrée, l’inverser paraît utopique.

Moralité : jeune, c’est un vrai métier. Les jeunes ont vraiment du mérite, car essayer de faire des efforts dans un environnement où tout vous convainc que cela ne sert à rien…

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