mardi 30 mai 2006

Laurent Garros

Au tennis, il n'y a pas que la terre qui est battue. Les crocodiles n'en mènent pas large à force de se faire piétiner. Ils sont tout plats; on dirait des planches de surf. D'ailleurs les crocodiles ne sont pas verts, ils n'ont pas la langue rouge vif et ont l'interdiction de sourire, puisqu'ils sont en voie d'apparition. Nous vivons dans un monde reptilien. Partout des petits lézards verts, partout des crocodiles. Sur les lunettes, sur les voitures, sur les casquettes.

Les crocodiles ne savent pas compter, et le tennis est vraiment un sport d'intellos. Quand on pense que certains arbitres de boxes ont de la peine pour compter jusqu'à 10, que faut-il penser d'un sport où la suite des points ne peut même pas figurer dans un test de QI ? 0, 15, 30, 40, x

Après 40 il y a quelque chose, puisque le joueur qui y parvient gagne le jeu (le tennis est bien le seul sport dans lequel on peut gagner un jeu !), mais il est interdit d'en parler. Cela n'apparaît même pas sur les panneaux d'affichage. Dans d'autres sports, par exemple le volley-ball, on joue en 25 points et l'on peut vraiment atteindre le score de 25. En tennis, à 40 on n'a pas gagné, mais après 40 il n'y a rien. A 40 on peut encore perdre. D'autres sports exigent deux points d'écart, mais en tennis, deux fois l'écart entre 40 et un nombre inconnu pose quelques problèmes. Alors les tennisseux ont inventé l'avantage, qui d'ailleurs présente pas mal d'inconvénients. Là aussi, avec un avantage on n'a toujours pas forcément gagné; avec deux avantages on a gagné, mais deux avantages, ça n'existe pas.

A 40 partout c'est donc le marasme, on va d'inconnue en inconnue jusqu'à ce que, par exemple un joueur fasse deux doubles-fautes. En effet, deux doubles-fautes ne représentent que l'équivalent de deux avantages, un plutôt un avantage plus la fameuse inconnue qui fait gagner.

Au service les joueurs ont le droit de faire une faute, mais pas deux; car deux fautes font un point, enfin un intervalle indéterminé de points: 15 en début de jeu, puis seulement 10 un peu plus tard, et plus rien (mais qui compte beaucoup) vers la fin du jeu.

Ce comptage est finalement assez logique, car au début d'un jeu le joueur est naïf, et on lui fait croire qu'il va gagner beaucoup de points (15 points). Ensuite, puisqu'il est lancé, on ne lui donne plus que 10 points. Enfin, arrivé à un certain stade, pour lui faire comprendre qu'il pourrait se dépêcher, on ne lui dit plus combien de points il engrange. Ceci probablement pour lui éviter d'attraper la grosse tête.

Mais pourquoi "points" ? Au football on compte des buts, au basketball des paniers, aux fléchettes des points. Mais au tennis ce ne sont pas vraiment des points. Ce sont des entités numérales indéfinies. Indéfinies, car à l'origine il s'agissait de pas au jeu de paume. Et la longueur d'un pas dépend de plusieurs facteurs.

Pour résumer, lorsqu'un joueur atteint un nombre indéfini d'entités virtuelles il peut gagner un jeu; généralement un jeu de tennis. Ouf ! Enfin un comptage humain: les jeux vont de 1 en 1, jusqu'à 6. Le premier joueur atteignant 6 jeux gagne une manche (un set, de table comme au ping-pong). Quoi que… une manche peut aller jusqu'à 7 jeux. Mais le 7ème jeu n'est pas comme les autres. Lui, a des points qui se comptent normalement: 1, 2, 3, etc. C'est le jeu décisif; précisément parce qu'on s'est enfin décidé à compter correctement. Mais il est temps de laisser momentanément reposer les neurones, par exemple en regardant un match de football.

Moralité: nous avons des pas qui compose des jeux, qui eux-mêmes constituent des manches.

Dans un prochain article nous expliquerons en détail le fonctionnement des manches, le maniement des balles et des divers attributs vestimentaires tennistiques.

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