mardi 30 mai 2006

Laurent Garros

Au tennis, il n'y a pas que la terre qui est battue. Les crocodiles n'en mènent pas large à force de se faire piétiner. Ils sont tout plats; on dirait des planches de surf. D'ailleurs les crocodiles ne sont pas verts, ils n'ont pas la langue rouge vif et ont l'interdiction de sourire, puisqu'ils sont en voie d'apparition. Nous vivons dans un monde reptilien. Partout des petits lézards verts, partout des crocodiles. Sur les lunettes, sur les voitures, sur les casquettes.

Les crocodiles ne savent pas compter, et le tennis est vraiment un sport d'intellos. Quand on pense que certains arbitres de boxes ont de la peine pour compter jusqu'à 10, que faut-il penser d'un sport où la suite des points ne peut même pas figurer dans un test de QI ? 0, 15, 30, 40, x

Après 40 il y a quelque chose, puisque le joueur qui y parvient gagne le jeu (le tennis est bien le seul sport dans lequel on peut gagner un jeu !), mais il est interdit d'en parler. Cela n'apparaît même pas sur les panneaux d'affichage. Dans d'autres sports, par exemple le volley-ball, on joue en 25 points et l'on peut vraiment atteindre le score de 25. En tennis, à 40 on n'a pas gagné, mais après 40 il n'y a rien. A 40 on peut encore perdre. D'autres sports exigent deux points d'écart, mais en tennis, deux fois l'écart entre 40 et un nombre inconnu pose quelques problèmes. Alors les tennisseux ont inventé l'avantage, qui d'ailleurs présente pas mal d'inconvénients. Là aussi, avec un avantage on n'a toujours pas forcément gagné; avec deux avantages on a gagné, mais deux avantages, ça n'existe pas.

A 40 partout c'est donc le marasme, on va d'inconnue en inconnue jusqu'à ce que, par exemple un joueur fasse deux doubles-fautes. En effet, deux doubles-fautes ne représentent que l'équivalent de deux avantages, un plutôt un avantage plus la fameuse inconnue qui fait gagner.

Au service les joueurs ont le droit de faire une faute, mais pas deux; car deux fautes font un point, enfin un intervalle indéterminé de points: 15 en début de jeu, puis seulement 10 un peu plus tard, et plus rien (mais qui compte beaucoup) vers la fin du jeu.

Ce comptage est finalement assez logique, car au début d'un jeu le joueur est naïf, et on lui fait croire qu'il va gagner beaucoup de points (15 points). Ensuite, puisqu'il est lancé, on ne lui donne plus que 10 points. Enfin, arrivé à un certain stade, pour lui faire comprendre qu'il pourrait se dépêcher, on ne lui dit plus combien de points il engrange. Ceci probablement pour lui éviter d'attraper la grosse tête.

Mais pourquoi "points" ? Au football on compte des buts, au basketball des paniers, aux fléchettes des points. Mais au tennis ce ne sont pas vraiment des points. Ce sont des entités numérales indéfinies. Indéfinies, car à l'origine il s'agissait de pas au jeu de paume. Et la longueur d'un pas dépend de plusieurs facteurs.

Pour résumer, lorsqu'un joueur atteint un nombre indéfini d'entités virtuelles il peut gagner un jeu; généralement un jeu de tennis. Ouf ! Enfin un comptage humain: les jeux vont de 1 en 1, jusqu'à 6. Le premier joueur atteignant 6 jeux gagne une manche (un set, de table comme au ping-pong). Quoi que… une manche peut aller jusqu'à 7 jeux. Mais le 7ème jeu n'est pas comme les autres. Lui, a des points qui se comptent normalement: 1, 2, 3, etc. C'est le jeu décisif; précisément parce qu'on s'est enfin décidé à compter correctement. Mais il est temps de laisser momentanément reposer les neurones, par exemple en regardant un match de football.

Moralité: nous avons des pas qui compose des jeux, qui eux-mêmes constituent des manches.

Dans un prochain article nous expliquerons en détail le fonctionnement des manches, le maniement des balles et des divers attributs vestimentaires tennistiques.

jeudi 18 mai 2006

Switzerland Mixerland


La Suisse est petite, ce n'est pas un scoop. Même Google Earth a de la peine à trouver l'Helvétie, perdue dans l'épaisseur des contours des pays environnants. Petite, mais diversifiée. Et elle a tout d'une grande. Ses fabricants l'ont dotée de caractéristiques surprenantes. Une vraie planète en miniature.

Commençons par les véhicules portant fièrement ce CH dont beaucoup ignorent la signification: "Confédération Hermétique". Ils roulent tous à droite, même les camions.

En Suisse, le réseau autoroutier est entièrement gratuit. Et pas n'importe quelles autoroutes! Celle qui contourne Genève (à peine plus de 10 kilomètres) a été construite en plus de 10 ans. C'est dire si elle doit être irréprochable. En fait, elle ressemble à n'importe quelle autre autoroute, à part qu'elle est en Suisse. On a donc décoré l'intérieur des tunnels avec des motifs en carrelage. Beaucoup d'automobilistes se rendant au travail s'arrêtent fréquemment dans les tunnels afin de les contempler. Malheureusement tout s'est décollé quelques années plus tard. Alors on a trouvé une autre astuce pour se différencier du reste du monde. Ce tronçon est la seule vraie autoroute de l'information de la planète. Des caméras tous les 45 centimètres, des radars tous les 150 mètres, des centres de contrôle BlueWiFi souterrains à chaque kilomètre. Sans compter les milliers de cyber-contrôleurs, peut-être nostalgiques des maquettes de trains, qui veillent jour et nuit sur le trafic. Et ils ont raison, car 60 km/h sur une autoroute ça peut être dangereux.

En Suisse il y avait quatre langues officielles. L'une d'entre elles, le romanche, a été évincée. Pour s'excuser auprès des habitants des Grisons, on a introduit le braille sur les billets de banque helvétiques. Dans cette région, les gens sont maintenant muets. Il leur reste uniquement les guichets et les caisses pour se perfectionner en braille. Chez eux même les enfants braillent.

En Suisse la police est cantonale. Pour fixer les idées, un canton est l'équivalent d'un hameau français. A la frontière entre deux cantons, sur l'autoroute Genève-Lausanne, on a même dû créer une sortie servant uniquement aux voitures de police, afin qu'elles restent dans leur canton respectif.

En Suisse, les livres scolaires sont différents dans chaque canton, parfois même dans chaque commune. Les notes sont différentes. Les exigences sont différentes. Les formations et les diplômes sont différents. Même les élèves sont différents. Ceci est logique du fait que l'Instruction Publique est du ressort des cantons.

En Suisse, les vacances scolaires sont bien entendu désynchronisées. Dans certaines régions les vacances d'été ont même lieu en hiver! Enfin, certaines familles pluri-enfantales ne peuvent pas prendre de congés, car il n'y a aucun recoupement entre les vacances des divers enfants.

Certains s'étonnent encore de constater dans les statistiques que les Suisses déménagent très rarement. Eh, oui! Entreprendre un changement de domicile demande plusieurs dizaines d'années de démarches administratives, sans aucune garantie d'en ressortir indemne.

La Suisse a tout pour plaire. Même le climat est varié. Elle possède sa Sibérie (-40° l'hiver à la Brévine) et son climat tropical dans le sud. On ne s'ennuie pas un seul instant en Suisse. On a des montagnes sans ours, mais avec des gypaètes barbus, des lacs sans porte-avions, mais avec des jets d'eau, des banques à chaque coin de rue, mais tout de même des SDF.

La vie en Suisse est tellement agréable que parfois on se surprend à ronronner. Peu de chômage, trop de sécurité, pas de grèves. Un vrai petit nid douillet. Les p'tits gars qui ont créé la Suisse primitive (pléonasme) ont vraiment fait du bon boulot.

Moralité: venez tous en Suisse. Il reste encore quelques places.

Tout va mal

J'ai l'impression que toute ma vie va de travers. Une sorte de déraillement général qui fait un maximum de victimes collatérales. J'ai 47 ans et tout a commencé lorsque ma femme m'a quitté.

Elle est partie avec ma voiture, mon chien, mes deux enfants et leurs pères génétiques... C'est vrai que Daniel, mon ainé ne s'entendait pas très bien avec moi depuis quelques années. Je pensais que c'était une crise d'adolescence. Mais quand il m'a menacé avec ma carabine et que ma femme a pris sa défense, j'ai compris que la situation était irrécupérable.

Ce matin j'aurai souhaité avoir une raison de me lever. J'ai perdu mon emploi il y a deux mois et je n'y suis pas encore habitué. Je n'y attachais pas une grande importance, j'étais gardien de nuit, mais j'aimais cette activité. Mon chef m'a annoncé qu'en raison de mon âge, il était temps d'envisager une nouvelle orientation professionnelle. J'ai bien compris le "Dégage! T'es trop vieux".

Le pire n'est pas le chômage, qui me verse 80% de mon salaire. Mais une fois payés la pension de ma femme, le loyer, le leasing de la voiture et l'emprunt sur la maison, il ne me reste presque plus rien. En plus, c'est ma femme qui a gardé la maison.

Mon médecin m'a annoncé que j'avais de l'hypertension. Il a ajouté qu'à mon âge et dans ma condition physique, c'était normal. Je suis malade et la science m'assure que c'est normal. Désormais, je suis condamné à prendre 8 petites gélules rouges et jaunes tout les matins sous peine de mourir prématurément comme un fruit sec. Même mon assurance maladie refuse de me rembourser les frais médicaux.

J'ai un voisin d'immeuble, je ne comprends pas. Pour lui tout va bien; c'est un optimiste de nature. Il est toujours de bonne humeur. Je l'entends encore me dire "Bonjour monsieur Vachon, comment allez-vous par ce magnifique jour de printemps ?". Pff! Il me fatigue, lui, sa femme, et ses "magnifiques enfants".

Je ne sors plus, j'ai baissé les stores, et je déprime. Ma vie est un enfer. L'immeuble dans lequel j'habite est construit comme un mille feuilles. Les murs sont poreux et amplifient tous les bruits. Mon voisin vient d'acheter un nouvel appareil. Une machine automatique à faire du pain, j'imagine. Il ne peut pas s'empêcher de faire son pain tout les matins à 7h. Comme s'il ne pouvait pas se rendre à la boulangerie comme tout le monde. Tiens ! Le voilà qui sonne à ma porte. Que me veut-il encore ? Je ne le supporte plus.

mardi 16 mai 2006

Tête à queue

J'adresse solennellement un grand merci aux grandes surfaces. Elles ont permis de révéler que certaines personnes ont une tête à queue.

D'abord, c'est vraiment idiot de remercier une surface, même une grande. A ce stade pourquoi ne pas engager une conversation avec un petit volume ou se battre avec un parallélépipède rectangle ? En fait je veux parler de "grandes surfaces" en tant que pluriel de "petite épicerie".

Ensuite, une personne qui a une tête à queue ne souffre pas d'une atrophie du tronc. Cette expression signifie "être génétiquement formaté et adapté pour faire la queue aux caisses des supermarchés tout en gardant son calme sa bonne humeur".

Quoi de plus agréable et de plus valorisant, de nos jours, que de passer un bon quart d'heure dans une file d'attente avec sa pizza surgelée sous le bras ? Les grands magasins ont bien compris le rôle social et formateur d'une file d'attente. En plus de créer des contacts, une attente artificiellement prolongée permet de faire le poing sur soi-même, de réfléchir sur son rôle dans la société, et surtout de penser à ne rien avoir oublié. La moindre ligne négligée sur sa liste de courses et voilà la sanction salvatrice: refaire une seconde fois la queue. Peut-être à une autre caisse afin de bavarder avec d'autres êtres humains. Cette liberté totale est toute à l'honneur des gérants de supermarchés. Le client est roi; il a le droit de choisir sa file, sa caissière, son prédécesseur.

Si vous ne faites pas partie des passionnés des files d'attente, des flâneurs invétérés, des inconditionnels de la plus longue queue, révoltez-vous!

Il est absolument intolérable de prétendre à la fois choyer les clients et les prendre ainsi en otage. Lorsque seulement deux caisses sur vingt-quatre sont ouvertes et qu'elles sont prises d'assaut par une centaine de caddies déchaînés, le seul qualificatif adapté est guet-apens. Après avoir passé une heure à entasser son butin dans son char de ferraille on hésite à tout abandonner. D'une part, il est souvent impossible de sortir sans passer par une caisse, même les mains vides. D'autre part, remettre le compteur à zéro pour repartir dans une autre embuscade n'est pas forcément réjouissant.

Nous revivons actuellement le quotidien russe d'il y a 40 ans. Sous prétexte d'économiser deux heures de salaire d'une caissière, les gérants vautours se lancent dans une concurrence effrénée avec leurs collègues douaniers. Le but ? Exaspérer le plus de personnes possible avec un minimum de moyens. Il est difficile de choisir le gagnant tellement les deux sont proches de la perfection.

C'est sans compter avec la caisse alibi, autrement dit la caisse rapide, qui n'a de rapide que la pancarte. C'est encore pire que d'installer un bureau pour la défense des droits des handicapés au 5ème étage d'un immeuble sans ascenseur. Les consommateurs sont vraiment des clients captifs, prisonniers et corvéables à souhait.

De tout temps les files d'attente ont eu une connotation négative. File pour recevoir sa paye, file pour obtenir des papiers ou des rations alimentaires, et autres files bien plus macabres.

Attendre dans un bouchon autoroutier provoqué par un accident n'est jamais agréable, mais on ne peut pas facilement élargir la route. Attendre à une unique caisse ouverte afin d'assouvir les instincts sadiques d'un directeur rétrograde n'est pas acceptable. Il est fort probable qu'une majorité de personnes seraient d'accord de payer un ou deux euros de plus pour éviter de faire la queue. Il est même fort possible que ces petites sommes cumulées suffisent largement à couvrir le salaire d'employés pouvant travailler aux caisses inutilement laissées en jachère.

Messieurs les occupants des miradors des supermarchés, il est temps que vous disparaissiez à tout jamais. D'ailleurs vous n'auriez jamais dû exister.

Quant à nous, les otages de ce pouvoir occulte et débilitant, pourquoi de temps à autre ne pas abandonner distraitement dans une file interminable un caddie débordant de victuailles ? Ou pourquoi ne pas aller faire ses courses à la petite épicerie du coin dans laquelle tout est trois fois plus cher ?

Moralité: à ce stade, il n'y a plus de moralité.

jeudi 11 mai 2006

Bug de l'an zéro

Eh, oui! Avant ce cher JC l'informatique existe déjà, mais elle disparaît au cours de l'an 1 suite à un désastre technologique sans équivalent. Pendant les siècles précédant notre ère les ordinateurs, primitifs certes, mais performants, ronronnaient paisiblement de tous leur bits. A cette époque les dates étaient stockées d'une manière originale. Les jours et les mois étaient des nombres entiers positifs, alors que les années étaient enregistrées comme des nombres négatifs.

On savait que JC n'était pas encore là, mais on ignorait quand il arriverait. De ce fait, chaque année qui passait sans trace du Messie était déstabilisante d'un point de vue informatique, car il fallait décaler les années afin d'arriver pile sur zéro en même temps que JC. Tout était basé sur le fait que les années étaient toujours négatives.

Seulement, un beau jour, JC débarque et l'année doit passer par zéro. Les analystes de l'époque bien qu'avertis de l'imminence de cet événement avaient négligé les mesures à prendre concernant les modifications de tous les programmes informatiques en fonctionnement.

Ce qui devait arriver arriva, panne totale. Impossible de corriger les dates à temps. Vers la fin de l'an zéro les spécialistes étaient sur le point de terminer toutes les mises à jour. Malheureusement la travail s'est prolongé au-delà du 31 décembre 0. Les modifications devinrent donc caduques et tout était à recommencer. Des bugs en cascade on totalement anéanti l'informatique existante.

Il ne s'agit pas d'épiloguer sur les massacres des informaticiens et l'autodestruction des ordinateurs qui s'ensuivirent, mais plutôt d'examiner ce que l'humanité a perdu dans cette triste affaire.

Tout d'abord les documents numériques (photos, enregistrements, vidéos) concernant la vie et l'oeuvre de JC se sont volatilisés. Plus aucune trace des miracles et multiplications de pains ou autres victuailles. Disparu également l'ensemble des plans vectorisés des grandes constructions de l'époque et des civilisations précédentes telles que les pyramides ou le phare d'Alexandrie. Tout a été anéanti. Heureusement pour nous, des petits malins ont vite recopié en hâte quelques bribes de données sur des papyrus juste avant le désastre. C'est tout ce qui reste à nos historiens.

Moralité: des backups réguliers, c'est toujours utile, même sur papier.

dimanche 7 mai 2006

La pluie et le beau temps

Lors du dernier sommet consacré à l'environnement et au réchauffement de la planète, un groupe de scientifiques anglais, pour la plupart des physiciens et des biologistes, a présenté une étude très intéressante concernant les problèmes liés au climat.

Nous entrons dans une période de réchauffement anormal de la Terre, ce qui se traduit par quelques dérèglements climatiques constatés ça et là. Certaines régions se réchauffent alors que d'autres, paradoxalement voient leurs températures moyennes baisser sensiblement.

Le projet anglais est complexe. En simplifiant, on peut dire qu'il consiste à désolidariser la Terre de l'atmosphère qui l'entoure. En fait, c'est déjà le cas puisque les vents déplacent les nuages et le climat suit ces mouvements. Mais les scientifiques veulent accélérer ce mouvement naturel par la mise en place d'énormes souffleries à des endroits stratégiques du globe, permettant ainsi d'amener une portion de la masse d'air entourant le globe au-dessus d'une région précise. Un peu comme si l'on pouvait faire tourner la peau d'une mandarine autour de son intérieur.

Il semblerait que la puissance de telles souffleries est dans les limites de ce que les technologies actuelles permettent de réaliser. Cette technique permettrait, par exemple, d'amener pendant quelques jours des nuages de pluie sur une zone aride afin de favoriser les cultures.

A terme, ce partage équitable d'eau et de soleil devrait permettre d'équilibrer les conditions climatiques, d'enrayer l'avancée des déserts, d'éviter les inondations et autres moussons.

samedi 6 mai 2006

Le droit au dopage


La lutte contre le dopage coûte bien trop cher. Une solution évidente à laquelle personne n'a encore pensé est de favoriser le dopage en le légalisant. Les sommes englouties par les laboratoires d'analyses d'urines verdâtres et de sang suroxygéné, par les milliers de personnes effectuant des contrôles surprise tous les mardis à 16h30 et par toutes les campagnes de prévention pourraient être versées à des ONG.

Pour quelques centaines de morts par an sur les stades, dans les piscines, ou au cours des multiples tours cyclistes, des dizaines de milliers de vies pourraient être sauvées dans les pays du tiers monde. Alors que dans ces pays défavorisés les gens ne meurent pas volontairement, nos sportifs d'élite auraient l'occasion de mourir de leur plein gré sur une marche de podium.

Cette promotion du dopage légal éviterait également tous les cas de sportifs drogués à leur insu. Plus besoin de chercher les coupables, puisqu'il n'y aurait plus de délit. Aucune loi n'interdit de trop manger et depuis la grande bouffe on sait qu'on peut en mourir. Alors la légalisation du dopage éliminerait toute nécessité d'effectuer des enquêtes compliquées. Un coureur couvre le 100 mètres en moins de 3 secondes et meurt instantanément à 102 mètres du départ ? Aucun problème; il a simplement pris un peu trop de benzopropanol. Quoi de plus distrayant au cours d'un match que de voir un joueur s'évaporer par combustion spontanée, ou bien voir la couleur de sa peau passer d'un beau bleu fluo à un orange vitreux avec des raies blanches. Voilà qui égayerait un peu nos week-ends.

Enfin les archers pourraient prendre en toute impunité des médicaments anti-Parkinson. Des basketteurs de trois mètres de haut pourraient mettre des paniers sans sauter. Des joueurs de billard pourraient se faire greffer un laser de visée dans un œil ou un servomoteur dans le coude et l'épaule. Les footballeurs auraient le droit d'avoir des jambes démesurées, un tout petit corps et une tête en forme de raquette perchée à trois mètres de haut. L'avantage serait tout relatif puisque les gardiens de but auraient des bras de deux mètres et des mains gluantes.

La devise de Pierre de Coubertin serait modifiée de "L'important est de participer" en "Battre un record et mourir". Mais pourquoi réserver le dopage aux seuls sportifs ? Toutes les professions doivent en profiter. D'ailleurs les photographes ont pris les devants. Il semblerait qu'il y en ait déjà qui sniffent du fixateur pour photo. Et ça, c'est révélateur!

Moralité: le dopage doit être accessible à tous. Même les livres auront leur dopage.

Tout va bien

Pourquoi tant de personnes se lamentent-elles sur leur sort ? Moi, je vais bien, je n'ai aucun problème, je ne m'énerve jamais et tout le monde m'aime bien. J'habite en ville, à proximité de tout. Pas besoin de voiture, ni de transports en commun. C'est ma femme qui fait les courses. Mes deux enfants de 15 et 17 ans font un apprentissage qui leur plaît: assistante médicale et gestionnaire en logistique.

J'ai un travail tranquille qui ne me prend pas la tête. Je suis gardien de piscine l'été et surveillant dans un club de tennis l'hiver. Nous regardons toujours la télévision en famille. Avec toutes ces chaînes on peut vraiment avoir des informations sur tout ce qui se passe. Nous allions habituellement en vacance les deux premières semaines de juillet chez mes beaux-parents à un quarantaine de kilomètres. Mais depuis tous ces attentats nous nous contentons de passer nos après-midis à la piscine (j'ai des entrées gratuites pour toute la famille).

Les prix et les impôts qui augmentent, c'est pas grave. Il faut bien que l'état trouve des sous quelque part. On n'a vraiment pas à se plaindre.

J'ai beaucoup de temps libre et j'adore m'occuper des plantes que j'ai installées sur mon balcon. L'hiver, c'est les cactus que je bichonne. Je me réjouis de prendre ma retraite, car j'aimerai bien commencer une collection de timbres-poste.

Ma femme promène les enfants de la concierge tous les matins et avec ce qu'elle gagne elle s'achète de la laine pour faire du patchwork. Elle est très gentille, ma femme. En y réfléchissant bien, nous avons tout de même un souci. Il semble que l'épicerie en-dessous de chez nous va être agrandie et déplacée de l'autre côté de la rue. Au début cela sera un peu déroutant pour ma femme.

Et puis toutes ces nouvelles technologies, c'est extraordinaire. Des portables gratuits, des appareils de photo numérologiques pas chers, on pourra même bientôt faire un seul vaccin contre toutes les maladies.

Et la télévision! Tous ces jeunes chanteurs dans la nouvelle starac, ils sont super. Ma fille s'est inscrite pour les auditions de l'an prochain; sa mère est d'ailleurs en train de lui construire une robe en patchwork.

A la télé ce que nous regardons de préférence ce sont les pubs. C'est vraiment utile pour savoir quels nouveaux produits les grandes sociétés inventent. Ma femme est plutôt branchée produits à lessive, moi plutôt produits de maquillage, juste à cause des belles dames qui les présentent.

J'oubliais la médecine. S'il y a un domaine dans lequel de grands progrès ont été faits, c'est bien la médecine. On peut presque tout greffer. Toutes les maladies vont bientôt être guéries. Finie la vache folle, finie la grippe aviaire. Bon, un petit rhume de temps en temps, on ne va pas en mourir.

Il paraît que dans certains pays beaucoup de gens sont malades et n'ont pas assez à manger; en Afrique par exemple. Mais heureusement que les gouvernements de nos pays développés les aident. Bientôt tous leurs problèmes seront résolus. Mais, tiens! Une sonnerie ? C'est sûrement mon nouveau four à pain automatique que la Coop m'a offert grâce aux points de ma Supercard de fidélité. Il faut vite que je sorte le pain. La sortie du pain, c'est l'opération à ne pas rater (ils le disent dans le mode d'emploi).

vendredi 5 mai 2006

Au secours! J'ai perdu mon doudou.

Alors que les prisons suisses regorgent de prisonniers, la mise en liberté sous surveillance électronique (un bracelet émetteur fixé à la cheville) fait son chemin. Parallèlement la plupart des gens portent de leur plein gré un téléphone cellulaire. La comparaison est peut-être facile, mais en ce qui concerne les déplacements des "prisonniers", tout peut être enregistré, stocké et analysé, que se soit avec un bracelet électronique ou avec un téléphone portable. La seule différence est l'autorité détentrice de l'information. Dans le premier cas, le pouvoir judiciaire, dans l'autre les opérateurs de téléphonie. Il semblerait même que les opérateurs de téléphonie mobiles sont à même d'activer le micro des portables à l'insu de leur propriétaire, et sans laisser de traces.

Des personnes adultes et responsables, en possession d'un portable, perdent leur lucidité et régressent au point d'adopter des comportements infantiles. Combien de fois avez-vous entendu ou prononcé ces phrases : "Vite ! Fais demi tour, j'oublié mon téléphone à la maison.", ou "Zut, l'accumulateur est mort! Où y a-t-il une prise électrique?". Cela peut même conduire à des crises de nerfs. Certaines personnes en arrivent à se déplacer partout avec leur chargeur et leur téléphone à la main.

Ces individus, une fois privés de leur portable, s'arrêtent de vivre. Un grand vide s'installe dans leur tête : "Oh mon dieu ! Que vais-je faire sans mon téléphone ?".

Le téléphone portable prend la place du doudou de leur enfance, cette peluche ou ce chiffon hideux qui ne les quittait jamais. Son rôle sécurisant permet de se sentir un peu chez soi partout où l'on se trouve. La perte du doudou sacré provoque également crises de nerfs et angoisses.

L'être humain existe uniquement au travers des yeux des autres. Est-ce que j'existe vraiment si je ne possède pas de portable? Qui aurait imaginé un jour devoir payer pour demander à quelqu'un s'il préfère un pull bleu ou rouge ?

Comment soigner cette dépendance technologique ? Peut-être en essayant de ne pas toucher à son portable pendant une semaine. C'est possible ! Il y a dix ans, c'était même normal. Si un tel défi provoque des doutes, des angoisses ou des dérives psychologiques telles que dépressions ou envies suicidaires, il s'agit probablement d'une techno-dépendance au téléphone portable. Pour soigner cette maladie grave et encore méconnue le Professeur Black, spécialiste des addictions technologiques, peut vous aider. Appelez-le dès maintenant au numéro +41 79 100 10 100 (2.40 Frs/minute). Consultations par téléphone uniquement.

Moralité: un doudou, c'est bien, c'est doux, ça ne rayonne pas et ça évite bien des factures en fin de mois.

mercredi 3 mai 2006

Zapping pédagogique

Les élèves, ces extra-terrestres !

La société des loisirs est incompatible avec la notion d’effort. Dans notre environnement tout est organisé pour être beau, lisse, agréable et sans problèmes. Toutefois, à certains moments, nous devons suivre des cours, travailler, remplir des impôts, faire le ménage ; bref, fournir un certain travail, moralement ou physiquement fatiguant. Les deux situations sont totalement incompatibles. Imaginez la fée clochette devant faire la queue à une caisse de supermarché, ou changer les pampers de ses enfants. Voilà dans quel paradoxe doivent vivre les jeunes.

Notre société est basée sur le zapping. Offrez un jeu d’ordinateur à un enfant ; son premier réflexe est de chercher sur internet tous les trucs permettant d’avoir un nombre de vies illimité, une somme d’argent infinie, ou de terminer le jeu en moins d’une heure alors qu’il est prévu pour durer au moins dix jours. C’est la génération gameboy.

Les jeunes ne cherchent plus «comment faire», mais «qui, sur internet, l’a fait mieux et pour moins cher». Bien que cela leur soit dommageable, ils ont entièrement raison d’agir de la sorte. On leur offre deux possibilités d’obtenir le même résultat : l’une facile et l’autre qui demande un effort. Le choix est évident.

Les problèmes deviennent plus apparents lorsqu’il s’agit d’enseignement. Il n’y a pas de solution miracle, de bouton magique. On a bien essayé l’apprentissage sans contrainte ni travail, mais comme on peut s’en douter, le constat a été un échec total.

Les élèves et les étudiants sont les mêmes qu’au siècle dernier, ils ont les mêmes gênes, les mêmes capacités. Ce sont les tentations qui ont changé. Ponctuellement ils sont tout à fait capables de travailler intensément.

Deux dérives dues à cette ambiguïté de notre société sont particulièrement apparentes. La première est que très souvent les élèves dorment en classe, indépendamment de l’heure qu'il est, du fait qu’il soient doués ou non, intéressés ou non, et que les cours soient intéressants ou banals. C’est un fait. Ils jouent jusqu’à l’aube (c’est la nuit que les jeux vidéo deviennent intéressants) ou sortent tard le soir. Les études, même primaires, deviennent secondaires. L’école est une obligation accessoire. Ceci est d’autant plus malheureux que les premières victimes sont les jeunes les plus influençables.

La seconde dérive est visible lorsqu’un élève doit trouver une solution à un problème. Ayant, pour beaucoup, perdu l’habitude de chercher par eux-mêmes, on assiste à des situations à la limite de la caricature. Si le problème demande de la réflexion, l’élève abandonne : «je ne comprends rien, j’arrête !». Ce même élève, après qu’on l’ait aiguillé sur la solution, s’il y parvient, dira : «Mais, c’est trop facile !». Pour certains, il n’y a pas de limite entre les deux situations : «C’est trop difficile, je ne le fait pas» et «c’est évident, ça ne sert à rien de le faire». La frontière entre les deux s’appelle l’effort.

La tendance vers de plus en plus de facilité apparente étant bien ancrée, l’inverser paraît utopique.

Moralité : jeune, c’est un vrai métier. Les jeunes ont vraiment du mérite, car essayer de faire des efforts dans un environnement où tout vous convainc que cela ne sert à rien…

mardi 2 mai 2006

Société Anonyme

Moralité : notre société est faite d'anonymes. La preuve!

Loisirs ou effort, il faut choisir !

On a prôné depuis quelques décennies la société des loisirs. C’est bon on l’a ! La plupart des gens peut s’offrir des vacances dépaysantes, un téléphone portable, des habits de marque, l’épilation définitive de leur poitrine siliconée, un ordinateur relié à internet, le droit de passer à la télé et l’espoir de gagner à l’euro-millions. Prix à payer ? Pas grand-chose : chômage, dérives urbaines, disparition de la notion d’effort, apparition d’un ego surpuissant chez certains ou sur-refoulé chez d’autres, nouvelles maladies, augmentation des disparités sociales, états incapables d’apporter des réponses aux vrais problèmes.

Gros avantage, sournoisement voulu ou simple conséquence d’une évolution naturelle : le commun des mortels, pour peu qu’il ait un petit boulot, a un os à ronger: les loisirs. Pendant des années on lui a tellement fait comprendre que l’important c’est le temps «libre», qu’il en devient aliéné.

On assiste à une inversion de tendance par rapport à la situation d’avant les années soixante. Après le travail, de temps à autre et si le budget le permettait, on pouvait s’offrir une séance de cinéma. De nos jours, si la finale de Roland Garros tombait un jeudi, beaucoup seraient tout à coup malades ce jour-là.

Moralité : nous vivons une époque formidable, profitons-en avant que ça éclate. On nous barde de facilités, pourquoi s’en priver ? Et même, pourquoi se poser tant de questions ? Cliquez simplement sur les boutons «Rewind», puis «Erase».