dimanche 13 septembre 2009

Il y a crash et crash


Il n'y a aucune différence entre un crash boursier et un crash d'avion. Dans les deux cas ce sont des innocents qui dégustent. Pour la crise boursière certains responsables s'en sont tout de même pris plein le portefeuille, ce qui tendrait à prouver qu'une justice absolue existe parfois.

Pour les accidents d'avions et la crise financière le nombre de morts sur une période relativement longue doit être du même ordre de grandeur. A la différence qu'une fois on en parle beaucoup, car les victimes ont eu la bonne idée de mourir en même temps, alors que les malversations des apprentis traders distillent leur venin à petites doses; ça fait tout de même plus propre.

Ces tordus de la finance tiennent le couteau par le manche. Depuis quelques dizaines d'années, un nombre restreint de personnes s'enrichit énormément sur le dos d'une foultitude d'anonymes. Ce n'est pas grave de prélever de petites sommes à beaucoup de gens. Même la morale, bien que déjà légèrement corrompue, n'y trouverait rien à redire. Le tout puissant lui-même approuverait peut-être ces milliards de mini-emprunts; quoi que…

Dans ces conditions, une question se pose. Vaut-il mieux être du côté de la majorité des pelés ou de la minorité des tondeurs ? En réalité, la plupart d'entre nous est certainement mieux protégée que les tondeurs. D'abord, les tondeurs sont très très riches. Ils tondent à tout va depuis plusieurs générations et accumulent, empilent et accumulent encore. Pourquoi ? Combien ? Pendant combien de temps ? Ils ne se posent pas ces questions. Leur sport est de tondre et ils tondent. Ils vivent pour la tonte comme un chanteur vit pour chanter. Dieu, encore lui, a eu la bonne idée (peut-être faute de mieux) de créer un temps qui s'écoule à la même vitesse pour tous. Ainsi, la mort d'un tondeur est une chute d'autant plus grande que sa fortune est immense. En comparaison, un pelé ne perd presque rien en mourant. Sa mort est plus facile; il se sépare uniquement des siens. Le tondeur, lui, doit dire adieu à tout son amoncellement de tonsures, pour se retrouver, finalement, bouffé par les même vers et dégageant la même puanteur pestilentielle que le pelé. Quelle déchéance!

Ensuite, il y a les crises économiques de grande envergure. Un tondeur peut tout perdre. Ses châteaux, ses voitures de collection, ses tableaux de maîtres, bref, toutes ces petites broutilles vitales, Pour lui c'est une catastrophe. Alors que le pelé et sa petite famille de tondus continueront à vivoter sans vraiment y laisser des plumes, puisque, par définition, ils n'en ont déjà plus beaucoup. Passer de "manger des patates tous les jours" à "manger des patates un jour sur deux" est certainement moins contraignant que devoir abandonner cocktails, caviar, restaurants de luxe pour se retrouver à "manger des patates tous les jours" (oui, laissons-leur ce ridicule avantage).

Le siècle dernier a vu naître toutes sortes de mafias, usant subtilement du terrorisme, du chantage et de méthodes expéditives très variées. Le siècle actuel aura vu naître une conspiration lente, parfois inconsciente, subtile et sournoise, mais inexorable: le système banco-financier. Ces nouveaux tondeurs que sont les banquiers, traders et autres irresponsables ont tout compris. Comme un enfant qui fait du chantage à ses parents et qui sait comment imposer ses volontés, comme un chien qui s'engouffre dans la moindre faille du comportement de son maître, le banquier sait qu'il est dans une position de force. Il sait que tout lui est dû, que les gouvernements viendront forcément et automatiquement à son secours. Dès lors, il joue à sa guise, en toute impunité, jusqu'à provoquer des effondrements financiers. Des remords de conscience ? Pourquoi ? Ce n'est pas son argent. Il voulait juste jouer, inventer de nouveaux systèmes, flirter avec la légalité. Il en a les moyens; son terrain de jeu est immense et ses pelés lui sont fidèles.

Vaut-il mieux mourir dans un avion à cause d'une avarie technique ou d'une mort un peu plus lente dont les responsables, peu souvent inquiétés, s'en sortiront toujours.

Moralité: ne prenez jamais l'avion et soyez pauvre. Vous mourrez certainement, mais sans remords.

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