samedi 1 août 2009

Léman vide (scénario 1)


Le Léman, cette pataugeoire qui sert d'abreuvoir aux genevois, suscite depuis peu de sérieuses inquiétudes. Selon d'éminents géologues venus étudier de près le phénomène, à coups d'écho lasers et autres sonars, il semble certain que le fond du lac soit en train de subir une transformation tectonique de grande envergure.

La faille transversale, approximativement au-dessous d'une ligne Lausanne-Thonon, s'agrandit, mettant en communication le fond du lac et une énorme cavité d'un volume supérieur à celui du Léman. Déjà le niveau du lac commence à baisser; environ cinq centimètres en trois jours, et ce n'est qu'un début. Les prévisions tablent sur une baisse de niveau d'un mètre par semaine au début, puis jusqu'à deux mètres par jour.

Finalement ce lac n'est qu'un immense buffer (terme informatique, sorte de garde-manger servant de réserve provisoire), puisque le Rhône s'y déverse au Bouveret et en ressort tout guilleret à Genève. L'absence de lac présente des avantages non négligeables. D'abord, pas de lac, pas de pollution de l'eau. Plus besoin de gardes-pêche, moins de noyades, disparition des cygnes et des canards vecteurs de grippe aviaire. Bref, un paradis.

Ensuite, l'état va s'empresser de vendre ces milliers d'hectares venus de nulle part. Les propriétaires de maisons de maître, les pieds dans l'eau, avec port privé et vue imprenable sur le lac en seront pour leur compte. Il sera possible de construire une maison juste devant leur somptueuse demeure.

Oui, mais en attendant, ce sera puanteur et choléra pendant plus d'une année. Boue, algues pourrissantes, cadavres, épaves, métaux lourds, substances dangereuses soudain à l'air libre. Les milliers de bateaux devront être transportés sur un autre plan d'eau environnant ou reconvertis en véhicules terrestres.

Les chasseurs de trésors se bousculent déjà en quête de Rolex et autres bijoux tombés des bateaux durant des siècles de tourisme effréné.

Il est prévu que le fond du lac, recouvert d'une couche de vase d'une dizaine de mètres, s'assèchera en deux ans environ. Après cette période transitoire, il faudra construire des routes qui sillonneront le "creux" jusqu'à 300 mètres en-dessous du niveau de Lausanne. Il faudra également résoudre le problème des frontières, car la France hérite également d'un bout de "creux". Faisons confiance aux politiques sur ce dernier point.

Le Rhône ne pourra plus se déverser bêtement dans le creux, sous peine de se perdre dans la faille. Il doit absolument la traverser, mais sa plus petite largeur est tout de même de 150 mètres. Cela ne suffira toujours pas à le faire remonter jusqu'à Genève. La seule solution envisagée est un tubage complet de Rhône entre les deux extrémités du lac, pardon, du creux.

Imaginez la tronche du célèbre jet d'eau de Genève, en train de pisser dans un trou nauséabond. Imaginez, le point le plus bas de la Suisse quasiment au niveau de la mer.

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