jeudi 8 novembre 2007

Ecole ou œuvre d'art ?


Quelque part en Europe on a laissé un architecte génial construire une école sous forme d'œuvre d'art. A voir le résultat, il a vraiment pu laisser aller son imagination jusqu'à ses limites. Cette école bénéficie des mêmes protections qu'une œuvre d'art et tous les élèves apprécient au plus haut point d'y passer le plus clair de leur temps.

Une fois que les élèves ont pris conscience de l'importance culturelle du bâtiment dans lequel leur sont dispensés les cours, les dégradations en tous genres disparaissent automatiquement.

Il faut dire que cette construction est entièrement pensée autour de l'ergonomie, de la sécurité, de l'environnement et de l'esthétique. Si toutes les futures écoles du monde pouvaient prendre exemple sur notre spécimen-modèle, ne serait-ce que pour certaines particularités, la vie des élèves en serait vraiment bouleversée.

Certains espaces, mur, sol, plafond et portes, sont d'une agréable couleur rouge virant vers le pourpre-prune. Quelle bonne idée que de choisir une teinte à l'opposé des couleurs apaisantes que l'on trouve par exemple dans les services de soins intensifs des hôpitaux. De cette manière, les élèves qui auraient tendance à s'assoupir sont boostés et neurologiquement poussés à bouger lorsqu'ils sortent dans les couloirs pendant les pauses.

Les escaliers ont également été imaginés dans le but de rendre les ados attentifs aux dangers de la vie. Ainsi le trou béant servant de puits central et autour duquel se trouvent les escaliers et certains couloirs rappelle discrètement aux enfants qu'il est dangereux de trop se pencher du haut de trois étages. Cet avertissement discret et subtil, mais quotidien, les habitue à être prudents, ce dont ils ont bien besoin dans notre société semée d'embûches.

Chacun de ces gouffres de plusieurs milliers de mètres cubes est habilement occupé par câble qui pend du haut de cette magnifique autoroute pour lumière du jour.

D'autres détails montrent que cette construction veut intéresser les jeunes. Ainsi les stores extérieurs du rez-de-chaussée descendent jusqu'à terre et sont constitués de fines lamelles coulissantes. La matière relativement malléable semble avoir été choisie dans le but d'être travaillée au gré des envies des gens qui passent à proximité. Et cette incitation à la création personnelle n'a pas tardé à porter ses fruits. Certains stores, sans doute jugés trop longs ont été amputés de leur disgracieux surplus. D'autres ont vu leurs lamelles intelligemment pliées et finement découpées de manière à leur donner un aspect proche de certaines œuvres abstraites si prisées par les adolescents.

Dans cette école, le souci du détail est allé jusqu'à réduire drastiquement la taille des étiquettes indiquant le numéro des salles. Illisibles à plus de deux mètres, placés au-dessus du cadre des portes et masqués lors d'une ouverture complète, ces libellés obligent à surmonter sa peur et à s'approcher de la porte. Cette invitation à la communication induit petit à petit chez les élèves une plus grande propension à aller vers l'autre.

Une autre astuce va dans ce même sens: les feuilles indiquant l'horaire d'occupation des salles sont imprimées en noir sur fond pourpre-lilas foncé. Malgré une certaine difficulté de lecture, des dispositions interdisent de changer la couleur de fond, oeuvre architecturale oblige. Il s'agit certainement du résultat d'une étude de chromatologie. Ce choix judicieux va également dans le sens du rapprochement de l'élève et de son local de travail, visant une fois de plus à briser les barrières psychologiques tendant à opposer un apprenant à son environnement de pensitude.

Et les enseignants dans tout cela ? Ils n'ont pas été oubliés, car eux aussi passent une grande partie de leur temps dans cette émanation de la culture post-moderne. Ainsi, les interrupteurs permettant d'allumer les lumières ont-ils été placés sur la paroi opposée à la porte d'entrée, c'est-à-dire contre les fenêtres. De cette manière, par temps sombre, mais également pour éviter de trébucher, les professeurs sont munis d'une lampe frontale leur donnant un air de fée clochette que les élèves adorent tant. Ils peuvent alors très facilement atteindre les interrupteurs lorsqu'ils entrent et lorsqu'ils quittent leur salle de cours.

L'architecte a même pensé à supprimer le fameux lavabo qui permet certes de disposer de ce liquide précieux en cas de besoin, par exemple pour effacer le tableau, mais qui est l'objet de tant d'accidents tels que giclures, noyades et autres jeux d'eaux improvisés. Les enseignants lui seront éternellement reconnaissants d'avoir éliminé ce dangereux accessoire.

Dans un souci de partage du savoir, l'artiste-créateur a également placé les salles de musique au sous-sol, sans les isoler phoniquement. Sachant que le son a tendance à monter, il a ainsi privilégié la diffusion de l'information sous toutes se formes. De plus, quoi de plus naturel que de placer le centre de documentation au troisième étage, insistant ainsi sur le fait que si un "se formant" veut vraiment s'y rendre, il doit le mériter. Les "s'éduquant" de tout poil ne doivent pas penser que l'accès au savoir est toujours facile. Au contraire, il doit découler d'une volonté active d'appropriation.

Le sport n'a pas été oublié. Des études montrent que sa pratique est indispensable à un bon équilibre de vie. Pour cette raison le toit plat de l'école a été transformé en salle de sport à ciel ouvert. Il fallait oser bousculer les à-priori, il fallait oser placer plusieurs mètres cubes de cailloux sur une bande bordant le toit, juste à l'intérieur d'une haute clôture en fil de fer. Les élèves comprennent ainsi l'extrême danger que pourrait représenter une seule de ces munitions minérales lancée par-dessus le grillage. Il est parfois utile de montrer l'exemple afin de prévenir des effets désastreux.

Eh oui, L'école idéale existe vraiment!

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