mardi 6 mars 2007

Recette pour terroriser des innocents

Votre désir le plus cher est d'exaspérer un maximum de personnes ? Vous possédez ou dirigez un centre commercial de taille respectable ? Ce qui suit devrait vous intéresser.

Grâce à des observations fines et suivies d’un centre commercial en cours de rénovation, il est possible de dresser une liste des pires sévices que vous pouvez infliger à vos clients captifs. Cet exemple est représentatif : une commune d’environ 20'000 habitants, disposée autour de son centre commercial construit dans les années soixante, et située à la périphérie d’une grande ville. Deux ou trois grandes enseignes se partagent le gâteau, laissant quelques miettes moins rentables aux parasites habituels. Le décor étant posé, passons aux tortures.

Dans un premier temps, le maître mot est « informer ». N’hésitez pas à prélever ne serait-ce qu’une infime partie du budget des travaux et à le consacrer à la communication. Si la plupart des clients ne se déplacera jamais vers la concurrence, certains privilégiés nomades pourraient vous échapper. Faites leur bien sentir que les transformations entreprises les concernent, qu’ils sont le cœur de vos préoccupations ; impliquez-les !

Lancez gentiment les travaux, pendant quatre à six mois. Graduez l’augmentation des nuisances. Les clients doivent s’habituer. Faites appel à une entreprise spécialisée dans le balisage en milieu urbain et demandez-lui de guider au mieux les ménagères distraites qui pourraient rater l’entrée d’un magasin.

Toutes les deux à trois semaines changez complètement les itinéraires fléchés et déplacez les travaux sur de nouvelles zones, afin de montrer aux otages que vous prenez soin de la totalité de leur nouvel environnement.

Au bout de six mois vous pouvez forcer la dose. Il est temps de commencer à scier le carrelage à coups de 130 décibels, de lâcher les sacs de ciment, voire de souffler de la poussière afin de fidéliser jusqu’à l’intérieur des poumons des captifs.

Après une année de travaux, annoncez que le centre est quasiment terminé, ce qui aura pour conséquence de faire oublier les problèmes de surdité induite et de menaces de rébellion. Mettez en services les nouveaux escalators, quitte à ce qu’ils ne mènent nulle part. Ajoutez des ascenseurs à étage fixe. Dispersez de la colle lente ; celle qui agit en une heure, juste le temps de rentrer chez soi.

A ce stade vous êtes proche de la réussite. Vous êtes parvenu à torturer des otages consentants, tout en leur faisant croire que leur bonheur est votre unique désir. Si l’un d’entre eux se révolte, les autres auront vite fait de le lyncher.

Le bonheur ultime pour un directeur de centre commercial serait que les captifs participent spontanément aux travaux, laissant au passage un juteux bénéfice sur le budget prévu.

Un tel centre modèle existe, nous l’avons trouvé (après moult recherches) à Meyrin, juste entre la France et l’Autriche. Mais si vous voulez le voir pour y croire, dépêchez-vous et ne bousculez pas trop les attroupements de PDG japonais venus pour trouver des idées. Pour une fois l’Europe fait mieux que le Japon.

Moralité : le syndrome de Stockholm existe aussi dans les supermarchés.

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