lundi 8 décembre 2008

La vraie histoire du père Noël


Noël, c'était son nom, mais il n'était certainement pas père. Ce soir-là, le 16 novembre 1931, il sortait de chez lui, déprimé comme à l'accoutumée et passablement imbibé d'alcool. Une seule envie trottait dans sa tête: disparaître à tout jamais.

Vouloir disparaître c'est facile, mais passer à l'acte lui a toujours été impossible, certainement par manque de courage et par la rémanence d'un ego plus dodu que la moyenne.

A partir du moment où ses derniers centres d'intérêts devenaient quantité négligeable par rapport à la somme des contrariétés qu'il devait quotidiennement affronter, sa vie n'avait plus de sens, à part l'horizontal.

Il était pourtant un prof de math apprécié par ses élèves et par ses collègues. Jamais le théorème de Pythagore n'aura été aussi bien expliqué, jamais une équation n'a eu autant de racines, jamais un élève n'est sorti déçu d'un de ses cours. Pourtant l'âge et les restrictions budgétaires agissent sans discrimination. Ces armes de destruction massive font des ravages par les temps qui courent.

Après tout, le chômage devait lui procurer le temps libre qu'aurait pu dévorer son intérêt pour les ouvrages scientifiques. Cette avidité de savoir dura quelques semaines seulement. Gamberger devint vite sa principale occupation. Il vivotait, il survivait, il se posait beaucoup de questions qui ne pouvaient pas avoir de réponses. Après quelques mois, même les questions avaient disparu, laissant la place aux pensées sombres, à la dépression, aux velléités de se volatiliser instantanément.

Noël était méconnaissable. Obèse à force d'ingurgiter tout ce qui passait à sa portée, barbe et cheveux longs, légèrement gras par manque d'envie de se laver, il ne sortait quasiment plus de son appartement, lui aussi en piteux état.

Quelques semaines plus tard, un samedi soir, il décide de mettre un peu de gaité dans ce qui reste de sa vie. Après avoir remis la main, au fond d'une armoire, sur sa maigre fortune, il sort d'un pas trop décidé, avec un entrain trop inquiétant.

Il se rend dans un supermarché d'où il ressort hilare avec deux caddies pleins de biscuits et de bonbons. Il se dirige ensuite droit vers le zoo communal dont son frère est le directeur, et convainc ce dernier de lui prêter quatre cerfs et une vieille charrette.

Noël repère un banc sur la grand place, s'y installe et commence à distribuer son précieux chargement à tous les enfants qui passent par là. Il est incapable de savoir ce qui le pousse à se comporter de la sorte. Sa tête est complètement vide, aucune pensée ne s'y arrête, comme dans un robot sans cerveau.

Au petit matin, il se rend compte qu'il a laissé son ami seul chez lui toute la nuit. Ses deux caddies sont vides, il neige, les employés de la voirie balaient machinalement la place, et ses pensées noires resurgissent. Noël tombe un 25 décembre et ne se relève pas.

Personne ne sait ce qu'il advint des quatre cerfs. Personne ne sait pourquoi tout cela est arrivé.

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