En mettant volontairement de côté les règles qui régissent l'univers ainsi que celles qui dictent notre existence, prenons-nous un instant à rêver que la mort n'est qu'une étape de notre vie. Comment serait la vie si notre "nous" perdurait au-delà de notre mort et si l'âme prenait le pas sur notre constitution biologique ? Il faudrait tout d'abord changer quelques rites et coutumes de notre société. Les cimetières devraient, par exemple, être remplacés par des terrains de sport, les corbillards par des limousines de luxe et les saints sacrements par massages roboratifs. A la mort d'une personne on déposerait simplement sa dépouille dans un passagorium, petit édifice sacré prenant en charge la phase de passage de l'arme à gauche. D'ailleurs, les chevaliers du moyen-âge devaient déjà utiliser de telles infrastructures. Un passagorium est un lieu de vie, tout comme une maternité, dans lequel entrent des mourants, voire des "fraîchement morts", et duquel ils ressortent quelques heures plus tard sous la forme de fringants cadavres animés d'une vitalité nouvelle. Une autre habitude à revoir est celle de l'attachement à notre aspect physique, car seule l'âme survit. N'oublions pas que face à l'éternité, le divin nous laissera uniquement une enveloppe charnelle en constante décomposition. Les règles de la nature ne sont tout de même pas manipulables à souhait. Lorsque la peau et les organes mous du corps humain disparaissent, ils laissent très vite place à un squelette dans toute sa splendeur. Les références de la mode seront entièrement revues: tour de taille, rouge à lèvres, crèmes antirides, etc. Adieu également à tous nos soucis quotidiens: boulimie, anorexie, régime, liposucions, faim dans le monde, affluence aux heures de pointe dans le métro… Il y a fort à parier que la phase de désagrégation du visage et du corps laisse quelques séquelles psychologiques. Que penserait une charmante jeune fille face à son miroir en se voyant disparaître en un clin d'œil ? La paupière, l'œil, puis l'intégralité du nerf optique s'évanouiraient dans les orbites pour laisser la place à deux superbes trous, lisses et vides. Là, c'en est trop! Nous sommes habitués à avoir un aspect, alors, même mort nous devons retrouver notre apparence. Des cliniques spécialisées dans le remodelage verront donc le jour. On y reconstruira complètement un visage, puis un corps en latex que l'on pourra sculpter à sa guise. Aucun problème de toxicité des matériaux. Même en plomb, les abdominaux ne risquent pas de tuer leur propriétaire. Chacun aura le corps qu'il souhaite, ce serait merveilleux. S'il n'y avait que les morts, ce serait plus simple. Mais n'oublions pas que les vivants existent, bien qu'en nombre restreint, puisque la phase finale est de vivre en état de "mort". Les valeurs basiques de notre société devront subir des modifications. Ainsi les morts ne pourront pas recevoir une rente à l'âge de la retraite, car les vivants ne seront pas assez nombreux pour cotiser. Il faut donc que les post-vivants travaillent pour gagner leur mort. Toute une gamme de métiers destinés exclusivement aux morts fera son apparition. Par exemple, changeur de barreau d'uranium dans les centrales nucléaires ou encore plongeur sous-marins sans bouteilles. Les morts parleront aux vivants, les anciens raconteront leur histoire aux jeunes. Les familles grandiront et cohabiteront pendant des dizaines de générations. Il y aura des mariages entre morts, mais également entre morts et vivants. Plus de suicides, plus de peur de mourir, plus de disparitions tragiques. La vie prendra le pas sur la mort et tout sera beaucoup plus facile. Mais un jour, la décomposition s'achèvera et les os eux-mêmes finiront par disparaître. L'âme sera alors libérée de toute considération matérielle et s'envolera dans le ciel. Elle restera là, au-dessus nous. Les défunts nous contempleront et nous apprécieront comme une bonne émission de télévision. Nous, les vivants, ne serons plus que des jouets qui divertissent le cosmos et ses habitants.
mercredi 5 décembre 2007
Recyclons les morts!
Libellés : Délire
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