vendredi 25 février 2011

La justice génétique


Il existe un monde, semblable en tous points au nôtre, à tel point qu'il pourrait être un clone de la Terre. Les habitants naissent, vivent, travaillent et meurent généralement entre quatre-vingt et cent ans, des mêmes maladies que nous.

Toutefois, une particularité anodine, mais étonnante les caractérise. Leur durée de vie dépend de leur comportement. C'est seulement en moyenne qu'ils ont la même espérance de vie que nous. Certains peuvent vivre jusqu'à cent cinquante ans, alors que d'autres peuvent mourir quasi instantanément.

En effet, leur dégénérescence naturelle est directement reliée à leur conscience. A la naissance, chaque être est programmé de manière à pouvoir distinguer le bien du mal, avec toutes les nuances et les subtilités d'usage. Une sorte d'éthique ou de morale génétique. Bien entendu, lorsque de nouveaux comportements à risques ou de nouvelles situations apparaissent, elles sont mises à jour par un moyen incontournable. L'actualisation des cerveaux est effectuée simplement par l'eau qui est consommée, dans laquelle sont introduites ces nouvelles informations.

Un comité de vingt sages, psychologues, scientifiques et philosophes pour la plupart, est chargé de maintenir à jour ces informations et surtout de les quantifier sur une échelle de zéro à dix. Zéro étant l'horreur absolue, alors que dix représente un comportement exemplaire. Chaque personne est ainsi récompensée ou punie en fonction de la vie qu'elle mène. Un homme politique véreux et corrompu aura une vie plus courte. En revanche, une gentille dame prête à aider son prochain vivra plus longtemps.

L'intérêt de ce système réside dans son automatisme et sa prétendue objectivité. Ainsi, un tortionnaire, assassin d'enfants, mourra quelques mois seulement après ses méfaits. En principe, il ne peut pas y avoir d'erreur judiciaire, puisque l'individu sait exactement ce qu'il a fait. Même s'il n'était pas dans son état normal, son cerveau, lui, le sait.

Ce qui vaut en mal, vaut aussi en bien. Une bonne action, même anonyme, sera systématiquement récompensée par un surplus d'espérance de vie, calculé de manière très précise. Durant les premières décennies de mise en place de cette durée de vie paramétrée, les individus l'ignoraient totalement. Le fait que les bons vivaient longtemps et les méchants mouraient jeunes n'éveillait aucun soupçon. Tout au plus, la religion y trouvait-elle une démonstration pratique de ses principes de base.

Après de longues années de réflexion, le comité des sages décida de rendre public ce fonctionnement, mi-scientifique mi-naturel. Etonnamment, la révélation de ce secret fut bien acceptée et eut peu de répercussions sur la vie quotidiennes des gens.

Finalement, ne serait-ce pas là ce que chacun d'entre nous souhaite, sans jamais oser l'exprimer ? Une sorte de justice divine impartiale et incorruptible. Plus de prisons, plus de répression, plus de distributions hypocrites de médailles et autres flonflons.

Dans une telle société, il est facile d'imaginer toutes sortes de situations curieuses. Il est également aisé de penser aux dérives possibles.

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