vendredi 4 mai 2007

Tromperie par omission

Tout ce que nous absorbons, regardons, touchons et utilisons est sain, testé, approuvé et dépourvu de tout danger potentiel. Les normes et les lois sont respectées, donc nous vivons dans un monde technologiquement et sanitairement parfait.

Oui, mais…Est-ce que par hasard…Est-on absolument sûr…La relativité et la subjectivité n’auraient-elle pas une petite place…

Tout n’est pas noir ou blanc. La moyenne gaussienne des individus supporte parfaitement le blanc, éventuellement un peu de gris. Mais le noir représente le poison mortel, la guillotine en costume de fête, la mort subite. Alors que faire ? Très simple : on invente les normes, les valeurs limites, les doses à ne pas dépasser ou pire, les doses maximales admissibles. Tout à fait rassurant et très cartésien, mais quelle valeur maximale faut-il indiquer dans la loi ? Gris foncé, gris anthracite, noir clair, blanc noirci à la suie ?

Même après avoir fixé des normes, tout peut évoluer. Prenons le cas du taux de pollution de l’eau des puits artésiens de la plaine du Po. Le jour où une majorité d’entre eux fournissait de l’eau trop polluée, les autorités ont simplement modifié la valeur légale maximale de polluants autorisés et, comme par miracle, l’eau est devenue pure et inoffensive.

Prenons un exemple analogue, mais plus simple, à la hauteur de tous les neurones. Dans une piscine sont jetées une dizaine de crottes de chiens. La loi dit que jusqu’à douze crottes on peut se baigner sans risques. Or, après quelques jours on découvre de nouvelles crottes, ce qui porte le total à quinze. La baignade devrait être interdite ; elle ne répond plus aux normes légales. Il faudrait supprimer quelques crottes, mais cela demande du travail et coûte de l’argent. Autre solution : changer la norme. Dorénavant, c’est jusqu’à vingt crottes que la baignade est jugée sans danger. Eh voilà ! Rapide, gratuit et tout le monde est rassuré.

Un autre problème encore plus inquiétant est basé sur cette évidence : « On ne peut pas craindre une chose dont on ignore l’existence ». Il y a quelques années on a pu voir apparaître, par exemple sur les emballages d’enveloppes postales « maintenant non blanchies au chlore ». Jusque-là, la plupart des gens ne se doutait pas de l’utilisation du chlore pour blanchir du papier. Du fait que la loi a été modifiée, probablement dans le but de préciser si cette substance a servi lors de la fabrication, le consommateur moyen apprend d’une part que ce produit était largement utilisé sans qu’il le sache, d’autre part qu’il est désormais possible d’acheter des enveloppes aussi blanches qu’avant sans faire appel au chlore.

Nous sommes alors en droit de nous poser la question « Combien y a-t-il encore de produits toxiques et/ou polluants entrant dans la fabrication du papier ? » Nous découvrirons la réponse à cette question au fur et à mesure que l’évolution des lois imposera des limites plus strictes.

Un nouveau discours commence à pointer le bout de son nez. Dans une publicité télévisée on vante un yaourt « sans aspartame ». Sur un déodorant bio on peut lire dans la composition : sans chlorhydrate d’aluminium, sans paraben, sans phenoxyethanol, sans propylène glycol, sans silicone, sans huile issue de la pétrochimie, sans parfum ni colorant de synthèse, sans matière première d’origine animale.

Indirectement, cette nouvelle présentation nous indique ce à quoi nous avons échappé.

Moralité : vive les non-ingrédients, dont la présence améliore la transparence.

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