jeudi 19 mars 2009

Questions sans réponse


Pourquoi le sel fond-il dans l'eau et le sable pas ?

Si nous avions un autre nez et des oreilles de forme différente, comment nos lunettes tiendraient-elles ?

Si on inventait des voitures qui roulent en consommant du CO2, faudrait-il pour autant les utiliser à tort et à travers afin assainir la planète ?

En Suisse, les primes d'assurance maladie obligatoire augmentent de 10 pourcent par année et les salaires seulement de 2 pourcent. Dans combien d'années la totalité du salaire ira dans les primes d'assurance ?

Quelle différence y a-t-il entre un logiciel libre et une femme libérée ?

Au restaurant, lorsque vous demandez du vin rouge ouvert, êtes-vous vraiment indécis? Comment faudrait-il libeller cette question pour les daltoniens ?

Le steak d'un bœuf anémique peut-il être servi saignant ?

Si les bassets étaient moins longs comment pourrait-on les distinguer des Yorkshires ?

Pourquoi l'intelligence a-t-elle une limite, alors que la connerie est sans bornes ? En déduire la proportion de personnes intelligentes dans la population.

Peut-on être plus immobile que lorsque l'on est arrêté ? Question complémentaire: peut-on mettre en réserve de l'immobilité pour s'en servir lors d'excès de vitesse ?

Comment dit-on Ikea en latin ?

Pourquoi les meubles de chez Ikea sont-ils vendus sans notice de démontage ? Peut-on considérer cette lacune comme anti-écologique ?

Si les ballons de football étaient cubiques, y aurait-il autant de hooligans dans les stades ?

Pourquoi les minuteries ?

Pourquoi les heures tournent, plutôt que les aiguilles ? Faites un schéma d'une montre dont les heures tournent et les aiguilles indiquent la date.

lundi 9 mars 2009

Nous sommes des redondants.


A bien y réfléchir l'être humain est suréquipé. Pour un euro de plus, nous bénéficions d'éléments de réserve, alors que notre corps n'en est même pas conscient.

Cette constatation divise nos organes en deux familles trop injustement différentes: ceux dont nous disposons à un seul exemplaire et ceux dont nous possédons plusieurs spécimens semblables.

Etonnamment, les organes de la première catégorie sont souvent vitaux, tels le cœur, le cerveau, l'estomac. En revanche, les organes de la seconde catégorie ne sont pas tous directement indispensables à notre existence.

Pourquoi avons-nous deux oreilles et un seul cœur, lorsque l'on connaît les ravages des maladies cardiaques ? En fait une seule oreille n'est pas très handicapante et permet de mener une vie peu différente de son équivalent en stéréo. Il serait bien pratique d'avoir un second cœur en cas de défectuosité du premier. Mais voilà, le second est souvent artificiel ou alors pas le nôtre.

Pour les yeux même constat. L'être humain s'adapte assez facilement à la vision monoculaire. L'essentiel est de voir, même si le relief n'est pas toujours au rendez-vous. En revanche, pas de vision du tout est catastrophique.

Et les cheveux ? Depuis bien longtemps l'homme sait se couvrir lorsqu'il a froid. Les toisons de tous poils ne nous sont d'aucune utilité, sauf pour les marchands de cire chaude ou les coiffeurs. Un monde sans blondes et sans chauves ne serait-il pas plus équitable ?

N'en déplaise aux créationnistes, tant d'organes superflus sont forcément issus d'une lente évolution. Et d'ailleurs, nous mettrons longtemps à nous en débarrasser, faute d'emploi. Pour quelle raison aurions-nous été créés avec deux narines toujours simultanément bouchées, deux yeux avec plein de défauts, deux oreilles avec tant de puces, autant de poils chez les femmes qui n'en veulent plus et de moins en moins chez les hommes qui se dégarnissent ?

L'être humain idéal aurait été très facile à créer. Pas un seul poil, une oreille sur le front, un œil juste en dessous, un évent sur la tête, deux canines, quatre incisives, huit molaires à droites et de la place de stockage à gauche, une peau noire pour éviter les coups de soleil, pas d'appendices, deux cœurs, un poumon, un gros rein très fiable, un intestin d'un mètre de long inconstipable, des genoux avec ménisques en kevlar et peut-être un cerveau qui utilise enfin toutes ses capacités. C'est pourtant simple!

Le seul avantage des organes redondants est d'en permettre le don de son vivant.

samedi 7 mars 2009

Tony, épisode 9. La pensée de l'autre.


La découverte de ce moyen de communication insoupçonné apporte de grands espoirs à Tony et Juliette. En réalité ils ne savent pas s'il s'agit réellement d'ondes alpha ou d'une autre fonctionnalité de leur cerveau.

Dans leur état, disposer d'un moyen de communication instantané et non basé sur le langage donne une nouvelle dimension à leur existence. Pour le moment, ils peuvent se transmettre directement des pensées, des sentiments, voire des émotions. C'est ainsi que Juliette surprend Tony en train de fantasmer sur elle. Il l'imagine en adolescente, style mannequin, avec un corps de rêve. "Tony a dû oublier que j'ai 42 ans", se dit-elle en se remémorant chaque détail de son corps, qu'elle n'a plus vu depuis des mois, mais qui est toujours présent.

A l'usage, cette sorte de télépathie se révèle gênante par son irrespect total de la sphère privée d'autrui. Habituellement on ne peut obliger personne à parler, ou plus généralement à communiquer, contre son gré. Or, dans notre cas, on peut s'immiscer discrètement dans les pensées des autres, se mettre sur écoute à distance. Impossible de mentir ou de cacher quelque chose.

Cette véritable arme d'espionnage devrait leur permettre d'en apprendre un peu plus sur leur situation. Mais pour le moment, ils décident d'un commun accord d'essayer de préserver leur vie privée.

Sur une idée de Tony, ils essayent de se construire une barrière mentale empêchant les autres de savoir à quoi ils pensent. Ne pouvant empêcher leur cerveau d'émettre en permanence, ils s'entraînent à mettre en place un processus fonctionnant indépendamment et en parallèle du reste de leur encéphale. Après plusieurs jours, le résultat semble atteint. Chacun d'eux parvient, lorsqu'il veut garder son intimité, à émettre un signal plus intense que les autres et diffusant une sorte d'écran de veille. Ils parviennent même à choisir le type d'émission: image fixe, scène ou pensée.

Tony avait bien entendu parler des pouvoirs potentiels du cerveau, mais là, il n'en croit pas ses yeux. Il peut le programmer, le contrôler, le connecter comme un ordinateur.

Juliette se lance un nouveau défi: réussir à amplifier les signaux en provenance d'autres personnes. Pour le moment elle estime son rayon d'action à environ deux mètres. Elle a affiné cette approximation en écoutant les réactions de ses compagnons d'infortune lorsque des événements externes se produisaient, tels qu'une lumière qui s'allume ou la traversée du local par Clémence.

Malheureusement la communication est à sens unique, sauf avec Tony. Il n'y a aucun moyen d'enseigner aux autres prisonniers cette télépathie, puisqu'ils ne sont pas à portée de communication oculaire. En revanche, Juliette entend tous les cerveaux qui l'entourent. La plupart d'entre eux végète et déprime. Seuls trois ou quatre pensent, raisonnent et se posent des questions. Certains prient, d'autres pleurent et expriment des désirs de mort.

Le but étant de collecter des informations, et le cas échéant de s'évader de cette prison improbable, Tony et Juliette vont tout faire pour espionner leurs geôliers.

lundi 2 mars 2009

Tony, épisode 8. La panne.


Le téléphone sonne. Tony sursaute et sort de son sommeil en un instant. Il est quatre heures du matin. Heureusement sa femme n'a rien entendu et continue à dormir. Il prend le téléphone et descend au salon. Son collègue de travail Michel a absolument besoin de lui à la clinique, car une urgence nécessite la présence de deux médecins en salle d'opération. "Viens aussi vite que tu peux, Adrien. La patiente est dans un état critique. Je commence l'opération en t'attendant. Ah! J'oubliais. Cette femme, tu la connais très bien".

La lumière éblouit Tony, tel un projecteur dans les yeux d'un suspect. Pendant un moment il est complètement aveuglé. Ne pouvant pas fermer les paupières, il a mal aux yeux. Il essaie de se calmer, d'occulter mentalement la lumière. Petit à petit sa vue se normalise. Il aperçoit Juliette, toute paniquée. Elle essaie de lui dire en bégayant qu'elle a eu la peur de sa vie, mais que probablement il s'est agi d'une panne d'électricité.

Tony lui fait part de sa vision. En réalité il s'appelle Adrien. D'ailleurs il ignore pourquoi il a cru s'appeler Tony. Pour simplifier, ils décident de garder Tony, plus court à épeler. Il faut une bonne heure pour que tout revienne dans l'ordre. Heureusement que les bocaux sont munis d'accumulateurs, faute de quoi ils n'auraient certainement pas survécu. En fait, cela aurait certainement mieux valu pour Tony et Juliette que la panne dépasse l'autonomie des bocaux, car il se trame quelque chose d'inhabituel dans le local voisin. Ils le perçoivent par les vibrations transmises sur le sol, puis, indirectement aux bocaux.

Tony en profite pour mettre à contribution son embryon d'oreille, mais celle-ci manque cruellement d'exercice dans cet univers peuplé d'yeux. Tony n'est pas croyant, mais Dieu est une idée qui l'a déjà interpelé à plusieurs reprises, et dont il n'a jamais osé parler à Juliette.

Il écoute, du mieux qu'il peut, mais il manque de repères. Il ne sait pas comment, ni quoi écouter. S'il devait choisir entre sourd et aveugle, il n'hésiterait plus un instant. Beethoven a fait le bon choix.

Tout à coup Clémence traverse le local en s'écriant: "Il est vraiment trop con, ce Portier!" Malheureusement Tony ne la voit qu'en silhouette, du coin de l'œil, là où les images sont floues. En reconstituant la scène qu'ils ont vue chacun sous un angle différent, lui et Juliette n'en tirent aucune information utile, si ce n'est cette histoire de portier, autour de laquelle ils bâtissent une bonne dizaine de théories prenant en compte une porte et la panne de courant. Cet événement aura eu l'avantage de les distraire, sans plus.

Le lendemain, la routine: pensée le matin, philosophie après le repas de midi, et le soir, pour terminer, quelques idées noires et déprimantes. Inconsciemment l'épisode de la veille les pousse à agir, si l'on peut dire. Ils décident d'explorer d'autres moyens de communication. Tony se souvient vaguement des ondes alpha, sortes d'émissions électromagnétiques du cerveau, tout à fait décelables à l'aide d'appareils électroniques, donc bien réelles.

Puisque le cerveau peut les émettre, ils se disent qu'il doit forcément aussi pouvoir les détecter. Ils entreprennent donc de longues séances de concentration, avec divers protocoles pour les fréquences et amplitudes des signaux émis. De toute manière, ils n'ont rien d'autre à faire et parler avec les yeux, au bout de quelques semaines, ça fatigue.

Etonnamment, après quelques heures d'exercices, ils parviennent à ressentir des signes étranges, mais bien réels. Cette ébauche de communication à l'air de fonctionner. Ils s'adonnent à leur langage favori, le morse. Au début, cela reste bien plus laborieux qu'avec les yeux. Sur une idée de Juliette, ils essaient de se transmettre non plus des lettres et des mots, mais des images, puis de idées.

Pendant plusieurs jours leurs efforts restent vains. Jusqu'au moment où Tony voit apparaître dans sa pensée, une plage avec des palmiers, comme sur les prospectus d'agences de voyage. C'est en fait sa partenaire qui lui a transmis cette scène.

Encore quelques jours d'entraînement acharné, et voilà nos deux coupés du monde en train de communiquer à vitesse grand V. Ils utilisent un moyen que personne d'autre n'a jamais expérimenté. La télépathie à l'état pur, comme dans les films de science-fiction. Enfin une compensation à leur triste sort!

dimanche 1 mars 2009

Tony, épisode 7. La puissance du cerveau.


Il ne sait pas pourquoi, mais Tony a l'impression que Juliette lui cache volontairement quelque chose. Elle élude, elle fuit parfois, tout en restant très attentionnée. En fait, elle veut éviter que Tony ne lui claque entre les mains, comme tant d'autres.

Pendant se moments de détente, c'est-à-dire lorsqu'il arrête momentanément de se torturer l'esprit pour savoir pourquoi on lui a torturé son corps, Tony tente de rassembler ce qui pourrait s'apparenter à une démarche scientifique, du moins à une réflexion objective. Les questions qu'il se pose sont nombreuses, mais les réponses qu'il leur trouve sont maigres. Devient-on forcément fou sans son corps ? Si oui, au bout de combien de temps ? Un cerveau peut-il souffrir ? Peut-on réorganiser son cerveau et le contrôler à la manière d'un ordinateur ? Ne dit-on pas que les ordinateurs sont des cerveaux électroniques ?

Les seuls moyens dont il dispose pour y voir plus clair sont son intelligence, l'observation et ses discussions avec Juliette. Depuis plusieurs jours il a observé que le rythme de fonctionnement de son cerveau est périodiquement ralenti, une sorte de manque de tonus. Peut-être cela correspond-il à une phase de sommeil paradoxal. Tony a pu mesurer la durée de ce cycle en demandant l'heure à Juliette. En effet, depuis sa position elle peut apercevoir le reflet d'une pendule dans la vitre de la porte blindée qui les sépare d'un local inconnu. Il l'estime à 18 heures, alors que le rythme circadien varie habituellement entre 20 et 28 heures, avec une moyenne de 24 heures et 12 minutes.

Le cerveau seul se fatigue. Bien qu'il ne puisse fermer ses yeux, Tony peut se relaxer juste après ces phases relativement agitées. A ce moment, ses yeux ne transmettent plus d'images au cerveau. Il pourrait s'agir de sommeil, duquel toutefois il peut sortir à son gré.

Tony a également remarqué comme une sensation de faim juste après d'intenses discussions avec Juliette ou après de profondes réflexions. Comment un cerveau peut-il avoir faim ? Tony se souvient que cet organe est un gros consommateur d'énergie.

Mais il ignore que cette énergie lui est apportée de manière régulière, par une pompe, sous forme d'oxygène, de glucose, de sels minéraux et de lipides. Son impression de faim vient du fait qu'il consomme momentanément plus d'énergie que celle qui lui est fournie. Sous chaque bocal un système sophistiqué constitué d'un circuit de contrôle, d'un accumulateur, d'une pompe et d'un double système de tuyaux. Le premier apporte les nutriments, le second l'oxygène. Le tout est injecté dans un circuit fermé de circulation de sang.

Il arrive à Tony de faire des expériences, par exemple rester "sans dormir" durant trois jours sans constater une augmentation du besoin de sommeil. Il essaie également de creuser dans sa mémoire, sans vraiment de méthode, mais en se concentrant de manière particulière. A l'aide de ce procédé sa mémoire se livre toujours un peu plus. Les progrès sont lents, mais Tony espère pouvoir combler complètement le trou béant qui l'empêche de comprendre ce qui se passe. Il essaie de contrôler sa mémoire comme celle d'un ordinateur, parvenant même à déplacer de l'information.

Il est une caractéristique qui distingue l'homme de l'ordinateur: notre cerveau peut apprendre, mais on ne peut pas effacer volontairement des informations. Pourtant Tony y parvient, simplement en prélevant l'information de son emplacement originel et en l'éparpillant dans des zones moins facilement accessibles. Il a constaté que ces informations se perdent définitivement en quelques heures.

Alors qu'il expose et explique ses constatations à Juliette, tout à coup, le noir total. Il ne voit plus rien. Pourtant il est vivant, puisqu'il pense. Lui aurait-on coupé les yeux ? Juliette aurait eu le temps de l'avertir!