samedi 28 février 2009

Suicide par procuration


La procuration est un concept attrayant permettant de donner à un mandataire le pouvoir d'agir ou de décider pour notre compte. Le service rendu peut être gratuit ou rétribué. La procuration, au sens large, est omniprésente. Une entreprise qui délocalise sa production en Asie, fait de la fabrication par procuration. Un tueur à gage est un meurtrier par procuration. Simple et d'autant plus efficace que la rétribution est rondelette.

Le nerf de la guerre étant surtout actif en temps de paix, la procuration rend de nombreux services. Payer quelqu'un pour faire la queue dès deux heures du matin, afin d'être sûr de pouvoir acheter un iPhone. Demander à une fiduciaire de remplir les fastidieuses déclarations d'impôts. Faire promener ses chiens ou garder ses enfants. Enregistrer une émission de télévision en son absence en délégant cette tâche à une pauvre machine.

Puisque le meurtre par procuration existe depuis la nuit des temps, pourquoi en irait-il autrement pour le suicide ? Une agence propose actuellement le suicide par procuration. L'idée est simple. Toute personne manifestant un désire de suicide est prise en charge par des spécialistes capables de juger du bien-fondé de la demande. Une recherche est ensuite lancée afin de trouver une personne du même âge, du même sexe et ayant le plus de traits communs avec l'intéressé. Mais surtout, il doit être également un "vrai" candidat au suicide. Pour éviter tout problème, le correspondant est choisi dans un pays assez éloigné. Actuellement, la grande majorité des offres vient de Chine et de Birmanie.

Le candidat au suicide virtuel doit s'acquitter des frais administratifs. Il peut, s'il le désire, proposer une somme d'argent à son suicidant, ou plutôt à sa famille. Une fois les formalités remplies, il s'installe dans un fauteuil. Face à lui, un écran de télévision sur lequel il peut voir son alter ego, confortablement allongé sur un lit, dans un décor entièrement de couleur turquoise.

Lorsqu'il le décide, il appuie sur un gros bouton vert, agissant à distance sur une seringue destinée à l'injection létale. Cette action prend son effet uniquement au moment où la personne d'en face confirme en actionnant également un bouton. La mort survient au bout de deux à trois minutes, mais n'est pas perceptible. L'enregistrement de toute la scène est fourni au suicidé par procuration sous forme de DVD. Généralement sous le choc, il reste quelques heures sous contrôle psychologique.

Dans la majorité des cas, après s'être suicidée virtuellement, la personne reprend goût à la vie et peut mener une existence tout à fait normale et épanouie. Le vrai mort, quant à lui, a pu bénéficier d'un suicide propre et légal. Les plus prévoyants peuvent également décider de léguer leurs organes.

Ce business, du type gagnant-gagnant, commence à prendre de l'ampleur. Pour le moment on ne dénombre aucun cas de récidive, ce qui fait dire aux gouvernements concernés qu'un tel procédé répond à un réel besoin.

Des juristes planchent sérieusement sur le sujet. Pour le moment ils n'y voient aucune dérive morale, ni légale; pas plus que dans le cas des mères porteuses.

mardi 17 février 2009

Gratuit, c'est trop!


Les hommes des cavernes passaient le plus clair de leur temps à chasser, marcher, tailler des cailloux et se faire tuer par de méchants animaux sauvages. Tout se gagnait à la sueur de son front. C'était "bosse ou crève", mais c'était la belle vie. Pas de pollution, à part le barbecue de la grotte voisine. Pas de moyens de communication; ça tombait bien puisque les hommes n'avaient rien à se dire. De temps à autre ils se mettaient au dessin sur les parois du salon. Pour les femmes c'était plutôt l'oral que l'écrit. Pas de journal télévisé, ni de journal. Pas d'électricité, donc pas de factures. Pas d'état, donc pas d'impôts. Pas de lois; si, celle du plus fort. Plus tard, ce sera celles du plus riche. Mort assurée entre 25 et 30 ans, donc pas besoin de s'occuper des petits- enfants. Possibilité de se promener à poil, pas de coup de soleil, donc pas besoin de crèmes solaires. Pas d'Euro-millions, donc pas de jaloux. Une vie de rêve.

Un peu plus tard, vers 1950, stabilisation des acquis, créations de nombreux problèmes. Essais répétés de destruction de la planète, mais sans succès. Monde entièrement en noir et blanc, car pas encore de télévision couleur. Les riches comprennent qu'ils peuvent s'enrichir encore plus, les pauvres comprennent qu'ils n'ont qu'à la fermer. L'espérance de vie commence à dépasser l'âge de la retraite. L'euthanasie fait peur, on invente donc les rentes en cas de survie suspecte. Travail, beaucoup de travail, peu de loisirs, très peu de loisirs. Un film au cinéma une fois par année. Des enfants qui naissent sans arrêt. On essaie d'en noyer quelques uns, mais c'est plutôt mal vu. Vivre pour travailler et travailler pour vivre, aucune alternative, sauf être né dans une famille riche.

Dans les années 1970, l'avenir s'assombrit. Le travail commence à fatiguer les gens. A force de tirer sur la corde du profit, les marionnettistes provoquent des mouvements de revendications et des grèves. Le commun des mortels peut enfin taquiner les couches supérieures, sans être pendu ou jeté dans la fosse aux lions. Les loisirs s'organisent. Il manque uniquement quelques supports et vecteurs. Qu'à cela ne tienne, voilà les premiers PC, cassettes vidéo, films en tous genres, vacances balnéaires, concerts gratuits et exagérations en tous genres. Paradoxalement la diminution du temps de travail, va de pair avec l'apparition du chômage. Les hommes veulent travailler moins et les femmes veulent travailler. Certains trouvent encore le temps de lire ou d'observer. Les psys et les astrologues préparent leur entrée en force. L'ennui gagne certains; trop de loisirs tue les loisirs. La Lune n'a rien donné, la Chine non plus.

Et nous voici dans le 21ème siècle bien entamé. Le terme "plan social" a remplacé le mot "licenciement". Le rapport entre les hauts et les bas revenus n'a jamais été aussi grand, mais les Terriens sont contents. Finalement, les dirigeants ont compris la seule chose qu'il fallait comprendre: tant que les soumis ont de quoi s'amuser et se distraire, ils n'auront ni l'envie ni la force de se rebeller. Le superflu est devenu vital et le vital est devenu secondaire. Un civilisé occidental fera tout ce qu'il peut pour s'acheter une télévision et un abonnement de téléphonie mobile, voire d'internet, quitte à se serrer la ceinture. Sans parler de la voiture et des vacances.

Il y a beaucoup trop d'occupations potentielles pour le temps à disposition. Pour peu que l'on ait un travail, tout nous est disponible. Films, vacances dépaysantes, jeux, sorties, toutes sortes de formations, bref, le top. On veut un morceau de musique, internet nous l'offre, le plus souvent illégalement, mais il est à portée de main. L'industrie des médias n'a rien compris et commence à jouer aux gendarmes, alors que la situation n'est pas très claire. Taxes, répression et retaxes n'y changeront jamais rien. Ce n'est pas l'outil qui est inadapté, c'est l'obstination de certaines multinationales et leur refus de prendre en compte le changement de technologie, de mentalités et de comportements qui joue le rôle du bâton dans la roue. Ce ne sont probablement pas ceux qui tiennent le couteau par le manche qui vont gagner. Tous les filons se tarissent, les joailliers et les orfèvres ne vont pas pour autant disparaître.

Tout nous est dû. Nous manquons cruellement de temps, mais nous pouvons passer trois ou quatre heures par jour devant Faceblog ou Skybook. La gratuité du superflu nous envahi à tel point que même les produits gratuits et intéressants sont trop nombreux. Le gratuit ne suffit plus pour se faire connaître, on va même jusqu'à payer les utilisateurs de tel ou tel service. Tout coûte zéro euro, voire un euro. Parfois, pour un euro de plus, on reçoit des prestations ou des produits mirobolants. Le Terrien est de plus en plus heureux. Il peut s'en donner à cœur joie, connaître tout sur tout, acheter n'importe quoi n'importe où dans le monde. Mais comme c'est étrange, réchauffement climatique, crise financière, augmentation du chômage, de la criminalité, des maladies psychiques ou somatiques, allergies, nouveaux virus, disparition de la notion d'effort, lobotomisation virtuelle, Claire Chazal, Euro-Foot, Roland Garros, Benoît XVI, le bord du gouffre.

2025: Mad Max, épisode 1.

Quelques années encore et on retourne à l'âge des cavernes.

mercredi 11 février 2009

Questions prioritaires


Un film fait 400'000 entrées dès sa sortie. A quel endroit les spectateurs ont-ils croisé le film ?

Y a-t-il une limite au nombre de journaux gratuits qu'une personne peut prendre en une fois dans une caissette de distribution ? Si oui, peut-elle en prendre le même nombre, mais en plusieurs fois ?

Parler est l'activité principale des hommes politiques. Pourquoi certains s'expriment-ils aussi mal ?

Quelle différence y a-t-il entre les banquiers en période de crise économique et les majors de la musique et des médias ? La réponse est-elle forcément "aucune" ?

A quand une taxe pour les non-mal-entendants, du fait qu'ils peuvent entendre de la musique ? Estimer le rabais qu'une personne dont l'audition est diminuée de 20 pourcent pourrait obtenir.

Pourquoi y a-t-il de plus en plus de pauvres et de moins en moins de révoltes ? Les banderoles et les pavés sont-ils hors de prix ?

Pourquoi une personne dans le besoin préfère-t-elle se priver de nourriture plutôt que de son téléphone portable ?

Pourquoi dépenser beaucoup plus d'argent pour prévenir les accidents de la route que pour combattre les maladies nosocomiales, alors que ces dernières font plus de victimes ?

Pourquoi un bruit qui court se répand-il plus vite qu'une chanson qui marche ? Pour mieux répondre à cette question, munissez-vous d'un tube et d'un enregistreur.

Malgré le réchauffement climatique, l'emblème de Linux restera-t-il un pingouin ? Ou bien deviendra-t-il un manchot ?

Est-ce à cause de la fécondation in vitraux que les façades de certaines églises sont en piteux état ? Aidez-vous des photos proposées sur le site du Vatican.

Par les temps qui courent ne serait-il pas plus judicieux de confier ses économies à son médecin et sa santé à son banquier ? Roulé pour roulé…

Y a-t-il autant de dentistes cariocas que de naturopathes cubains ? Les distances sont-elles approximativement respectées ?

Y a-t-il plus de pékins en France que de parisiens en Chine ? Est-ce également valable dans le quartier chinois de Paris ?

Au lieu d'utiliser des ampoules économiques, ne pourrait-on pas laisser le soleil allumé en permanence, mais à la moitié de sa puissance ?

Vaut-il mieux demander à quelqu'un de se taire, ou lui faire remarquer qu'il dit des conneries ? Même question pour une femme.

Si la lumière était liquide, comment pourrait-on y voir quelque chose au pôle nord ? Pourrait-on utiliser une lampe de poche en tant que robinet ?

Si le bois était liquide, quelle forme auraient les arbres ? Des chalets gazeux pourraient-ils exister ?

Pourquoi du scotch sur lequel on a versé de l'eau perd-il de son effet ?

Peut-on boire du scotch double-face sans s'en mettre partout ?

A partir de quel nombre une clé devient-elle un trousseau et cesse-t-elle d'être une clé ? Y a-t-il un nombre maximum de clés au-delà duquel un troussal devient deux trousseaux ? Tenir compte de l'épaisseur d'une clé et du cercle trigonométrique.

dimanche 8 février 2009

Un bouton pour disparaître


Qui n'a pas eu envie une fois de disparaître ? Je ne parle pas de disparaître juste pour un moment ou de changer de pays. Non, vraiment disparaître. Mourir, en somme.

Une kyrielle de nouvelles maladies, toutes plus méchantes les unes que les autres, nous guettent à chaque coin de rue ou à chaque contact non contrôlé. Sans oublier les fondamentaux, cancers en tous genres, maladie d'Alzheimer, de Parkinson, de Hodgkin, de Crohn, de Creutzfeldt-Jakob et de bien d'autres personnes célèbres. D'ailleurs, au lieu de donner à une maladie le nom de celui qui l'a découverte ou étudiée, il aurait été plus subtil de lui donner le nom de la première personne atteinte.

Toujours plus de soucis et de collègues insupportables, de chefs incompétents dont le moteur est uniquement l'appât du gain et qui tiennent à prendre eux-mêmes la moindre décision, de peur de la déléguer à un subalterne plus compétent, donc dangereux. Les impossibles voisins, les radars, les administrations bornées, les lois d'un autre âge. Stop!

Il faut absolument inventer le bouton pause. Einstein nous parle de dilatation du temps, de jumeaux qui n'ont plus le même âge, de courbure de l'espace. Et il n'y aurait personne en mesure d'inventer ce malheureux petit bouton ?

Mais là on dévie de l'objectif initial; une pause ne suffit pas. C'est même la pire des solutions. Penser qu'hiberner pendant une semaine et qu'à notre retour tous les problèmes ont été réglés est une solution de poisson rouge, voire d'autruche. Au contraire, les ennuis attendent impatiemment notre réveil, prêts à nous harceler.

Non, le bouton doit vraiment nous faire disparaître, de manière irréversible. Il ne faut laisser aucun espoir aux agressions. Certes, appuyer dessus est une décision lourde de conséquences, pire que le mariage, pire qu'un tatouage "J'aime Valentine" ou "Vivent les banquiers!", pire qu'une épilation durable ou une amputation. Mais mieux qu'un suicide classique par injection de Nutella. L'euthanasie du trouillard, en réalité.

Voilà, le bouton pour disparaître existe. Mais on le met où ? Chacun peut s'en procurer un (plus, c'est inutile, ça marche à coup sûr) au kiosque du coin ? Peut-être faudrait-il ouvrir des centres de disparition, où les gens entrent, mais ne ressortent plus. Un mouroir moderne, sans cadavres, sans déchets, sans traces, sans remords. Juste une caméra qui enregistre les entrées, pour éviter des recherches ultérieures inutiles.

Des informaticiens subtils ajouteront certainement une confirmation: "Êtes-vous sûr de vouloir disparaître ? Si oui, appuyez à nouveau sur le bouton. Si non, prenez place à la fin de la file d'attente, le temps d'une bonne réflexion".

La disparition en public n'est peut-être pas la meilleure idée. Finalement, il vaudrait mieux que chacun ait son bouton de disparition avec soi, sur une carte à puce personnalisée, avec lecteur d'empreintes digitales, afin d'éviter les meurtres.

Non, ça ne colle pas. Ça ne marchera jamais. La plupart des gens veut bien disparaître, mais sans causer de chagrin ou de désagréments à son entourage. La vraie solution est de se volatiliser complètement de l'histoire.

Le vrai bouton qu'il faut inventer, nous effacerait de l'espace et du temps, y compris du passé. La mise en œuvre est délicate, mais, de cette manière, personne ne saura que nous avons existé. Pas la moindre trace dans les documents officiels. Une vraie annulation de notre naissance. Aucune conséquence sur l'environnement. Une sorte de vie en test, avec un contrat "satisfait ou remboursé", ou plutôt "satisfait ou effacé".

Y a-t-il un inventeur de génie dans la salle ?

dimanche 1 février 2009

Dans et sur


Le français, cette langue extraterrestre, foisonne vraiment d'une richitude de subtilités. Il n'y a qu'à penser avec quelle facilité on parle d'imbécillité, pour se convaincre que la règle confirme les exceptions.

Intéressons-nous à dans et sur. Ces deux mots, aussi anodins qu'un expert financier qui provoque une crise économique, posent des problèmes de logique des prédicats du deuxième ordre.

Ainsi, en informatique, on peut copier un fichier sur le réseau. En réalité le fichier, bien qu'immatériel, est dans le réseau. S'il était sur le réseau, il pourrait tomber. Si on veut être encore plus précis, le fichier n'est ni sur, ni dans le réseau, mais sur un disque dur. Il est à la fois sur le disque, car ce dernier est constitué de plateaux sur lesquels sont enregistrées les données, mais également dans le disque, bien protégé par son boîtier.

Et si l'on y regarde de plus près, les bits de l'information ne sont rien d'autre que des zones magnétisées qui ont une certaine épaisseur. Donc, même posées dessus, elles sont tout de même en partie, dans le substrat.

Quand une personne dit qu'elle a lu une information dans le journal, cela peut être vrai s'il s'agit des pages intérieures. En revanche, ce qui est écrit dans le journal à la première page est, en réalité, écrit sur le journal.

Quand on pose un verre sur un journal, si celui-ci est ouvert, en toute logique, on devrait l'avoir posé dans le journal, mais quand même dessus. Tout ce complique si on pose une feuille sur un journal et qu'on le plie en deux. La feuille qui était dessus se retrouve dedans. Un peu comme lorsqu'en médecine on considère que l'intérieur de notre tube digestif est en fait à l'extérieur de notre corps.

Une personne qui se rend au Brésil sur un bateau de croisière est en fait dans un bateau. D'ailleurs, sur le pont du bateau, elle peut être sur un transat, alors que dans sa cabine elle peut s'asseoir dans un fauteuil. La limite entre la forme d'un transat et d'un fauteuil est très ténue. A partir de quand est-on sur ou dans, plutôt que dans, mais pas sur ? On peut être sur les dents quand la fraise du dentiste s'apprête à creuser dans les dents. Mais on peut également être dans une fissure, sans en être sûr, sauf si un confident vous l'assure dans le creux de l'oreille.

Une chose est sûre, dans tous les cas sûre: la dent subit l'usure, mais dans l'usure il y a toujours un perdant.

Sur ces conditions, il est vraiment peu prudent de s'aventurer plus loin. Surtout dans ce chemin glissant, sans chaussure ni trompette. Avoir quelqu'un dans qui compter est important sur la vie. Dans ce point, il n'y a aucun doute.

Dans le fond, sur le fond ils n'ont pas tort, tous ces gens que l'on ne connaît ni d'Eve ni d'Adam et qui sont sûrs d'être dans le coup, tout en étant dans le doute d'en n'être pas plus sûrs.