mercredi 13 juillet 2005

Briques de jus de fruits

Nos charmants fabricants d'emballages ont certainement d'excellentes raisons de proposer des récipients en carton pour contenir la plupart des jus de fruits, ainsi que le lait. Mais par une coïncidence malencontreuse, ces chères têtes pensantes n'ont pas engagé les bons spécialistes pour ce qui est du design et de l'ergonomie des ces emballages communément appelés briques.

Et le mot brique est particulièrement bien choisi, puisque ces objets de torture s'adressent visiblement à des maçons habitués aux conditions les plus dures ou à des routiers baraqués comme des pyramides de Kheops posées sur la pointe. A moins que tous les concepteurs de ces géniaux systèmes d'ouverture de briques soient des sadiques profonds ou pire, des naïf irrécupérables.

Ils en ont imaginé des systèmes, les bougres! Personne n'a encore inventé de mot définissant ce qu'ils nous proposent. Le plus approprié est "anti-ergonomie". En observant de près certains de ces dispositifs on se dit même qu'il aurait été difficile de faire pire. Focalisons-nous sur deux exemples courants dans nos régions, car bien que l'incompétence n'ait pas de frontières, il faut avouer que nos voisins français ont dû mettre la main sur les derniers spécimens potables, disponibles en stock, d'ingénieurs en ouvertures bricologiques. En effet, c'est dans ce pays que l'on peut trouver des briques ouvrables facilement, même par un intellectuel. Une fois de plus, les suisses sont arrivés trop tard. On aurait pu s'attendre au moins à ce qu'ils copient les bons procédés. Non, même la copie représente une difficulté insurmontable.

Reprenons le premier exemple. Après avoir tiré sur de multiples languettes en aluminium, plastic ou autre papier stérile, on peut finalement tirer sur un petit couvercle oblong et pivotant. Mais point d'orifice visible: un obstacle doit encore être franchis, par exemple en appuyant fort avec l'index (toutes les personnes le font généralement avec ce doigt). Premier problème: le doigt s'enfonce dans le liquide, ce qui n'est pas vraiment hygiénique selon les travaux de nettoyage pratiqués auparavant; on se sent moralement condamné à boire tout le contenu afin d'éviter une contamination familiale; d'autre part, on a toujours le doigt enfoncé dans le trou. Le plus souvent il est impossible de le retirer, car l'ouverture est si ingénieusement imaginée qu'il est beaucoup plus facile d'y enfoncer le doigt que de l'en sortir. La seule solution reste alors le cutter, à condition de savoir s'en servir de la main gauche. Il faut alors couper le haut de la brique (plus bas ce serait une inondation et trop haut, il y a le doigt!). Une fois l'opération réussie, on dispose d'un grand verre, en fait le fond de la brique, et d'un doigt garni qu'il faudra bien libérer tôt ou tard.

Vu le nombre de morts dues à des gangrènes de l'index, nos savants ingénieurs extralucides on pensé à mettre un trou rond, avec un bouchon qui se visse. Mais cette solution est bien trop simple et efficace pour un génie de l'orifice ou un pro du container. Alors ces artistes décapants ont fermé le trou sous le bouchon avec un plastic que l'on doit retirer en s'agrippant à un anneau. Il est évident qu'avant de tirer telle une bête féroce sur cet élément qui nous sépare d'une boisson bien méritée, on tient fermement la brique avec l'autre main. Mais une brique, c'est mou! Donc au moment où le trou se débouche, une bonne partie du précieux liquide est déjà renversée. Et ça, c'est si on a de la chance. Dans le pire des cas, on s'en prend plein la figure et les habits. Mais quelle satisfaction de savoir qu'on peut maintenant simplement visser et dévisser le bouchon à volonté. C'est sans compter avec un autre obstacle que ces chers spécialistes ont dressé pour nous empêcher de boire. Un machin qui se trouve sous l'ouverture et qui obstrue le passage. Ainsi il faut des siècles pour remplir un verre. Sans oublier que de temps à autre la brique glousse et se rattrape en crachotant un peu partout. C'est beau la technique!

Revenons sur notre index. Il arrive, une fois sur cent en moyenne, qu'il ne se coince pas dans l'ouverture. Et là ce n'est pas franchement mieux. Après s'être servi à boire, on referme le trou en rabattant le volet pivotant. Seulement il y a toujours un peu de liquide sur le rebord. Et lorsque le couvercle fait "clic", en général le petit peu de liquide s'en donne à cœur joie. Je n'ai jamais vu aussi peu de liquide asperger autant.

Finalement boire de l'eau au robinet, parfois ça fait du bien.

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